Les deux premiers paragraphes sont inspirés du texte de la pétition Shéhérazade en colère que nous vous invitons à signer.

La lecture à haute voix de livres, en totalité ou sous forme d‘extraits, est considérée comme une “représentation”, et tombe de facto sous le coup du “droit de représentation”. Jusque-là, ce droit était géré par une société d‘auteurs, la SACD, mais depuis le 1er janvier 2016, et sans que grand monde en ait été informé, la gestion du droit de lecture est passée dans l'escarcelle de la SCELF, une société d'éditeurs. Or, celle-ci a décidé d'appliquer à la lettre le barème de la SACD : trente euros minimum, même sans billetterie ! Autre problème, la SCELF utilise la base de données Électre, qui ne tient pas compte des contrats qui sont derrière les livres : droits de représentation cédés ou pas à l'éditeur ? Qui va faire le tri ? L'affaire est ubuesque et contre-productive !

Les conséquences seraient que : les bibliothécaires se trouveraient dans une obligation déclarative même pour des manifestations traditionnelles telles que les “heures du conte”, la lecture couterait financièrement aux bénévoles qui offrent leur voix et leur temps, les salons du livre seraient ponctionnés alors qu'ils contribuent à la vie des livres et des auteurs et enfin cerise sur le gâteau les auteurs eux-mêmes seraient ponctionnés lorsqu'ils lisent leurs livres (avec à la clé, non pas une opération blanche, 30 euros que l'auteur se payerait à lui-même mais une ponction non négligeable par la société de droits).

De nombreux auteurs, connus et moins connus, des bibliothécaires et bien d'autre personnes ont signé cette pétition (près de 32000 signatures ce soir)

La SCELF (Société Civile des Éditeurs de Langue Française) a finalement annoncé dans un communiqué paru jeudi 18/01/2018 qu’elle accordait une exonération valable 5 ans pour les lectures publiques non-marchandes, qu’elles soient effectuées en bibliothèque ou par l’auteur lisant son propre texte. Cette exonération pour 5 ans n'est pas pour autant un renoncement !

Comme l’expliquait Maitre Eolas à propos de la taxation par la SACEM du chant "Adieu, Monsieur le professeur" par les élèves d'une classe de primaire de Peillac (56) : Quand un auteur adhère à une société de gestion collective des droits des auteurs, il verse une adhésion (droit d'entrée), qui rejoint la capital de la société. Ce faisant, il s'engage à céder à la SACEM les droits patrimoniaux sur ses œuvres, y compris celles à venir, ce qui est en principe prohibé par la loi. L'auteur n'a donc plus de droit sur l'exploitation de son œuvre hormis son droit moral (imaginons un auteur qui découvre qu'un parti extrémiste a fait de son œuvre musicale son hymne officiel). Il ne peut autoriser ou refuser la diffusion de son œuvre ou négocier le montant de sa rémunération. La SACEM inscrit ses œuvres à son catalogue, qu'on appelle le répertoire, et fixe les tarifs, perçoit ces rémunérations et les redistribue à ses sociétaires.

On voit bien, là aussi, que l'intermédiaire s'arroge des droits qui vont à l'encontre de l'auteur (qui pourrait normalement disposer du droit de déposer ailleurs ses œuvres ou de les publier libre de droits)

Troisième exemple dans encore un autre domaine, comme raconté par un étudiant en histoire de l'art en mars 2017 dans Rue89. À peine a-t-il commencé sa visite, qu'un surveillant qui l'avait repéré l'interpelle : il lui rappelle qu'ici, on ne peut pas prendre de photos. Le jeune homme ne comprend pas : Vermeer n'est-il pas mort il y a de cela plusieurs siècles ? Ne dit-on pas que 70 ans après la mort d'un artiste, ses œuvres tombent dans le domaine public ? N'a-t-on pas le droit alors, de les photographier ? Au Louvre, la règle est bizantine : on ne peut pas faire de photos dans les expos temporaires, par contre c'est possible dans le reste du musée. La raison avancée par le Louvre est qu'en raison des prêts consentis et particulièrement ceux de collectionneurs privés ». Ainsi, une interdiction générale est mise en place pour faire respecter la volonté de certains prêteurs.. Autrement dit la petite volonté de quelques uns se superposerait au droit général ? D'autant plus que ces "demandes" ne reposent sur aucun fondement légal en droit français (cf l'article de Rue89)