Rue89 s'est fait l'écho de l'avancée du dossier au parlement européen. Et en particulier du fait que, le 16 juin dernier la commission des Affaires juridiques du parlement européen a approuvé une version amendée de son rapport d’évaluation du droit d’auteur incluant l’amendement 421,proposé par l'Eurodéputé français Jean-Marie Cavada, qui vise à restreindre la liberté de panorama. La carte de King of Hearts/Quibik publiée sur Wikimedia en cc montre l'état actuel de la liberté de panorama en Europe. En voici la légende : en vert foncé : liberté de panorama pour les bâtiments, les sculptures et les œuvres d’art, en vert clair : pour les bâtiments uniquement, en jaune : pour les usages non commerciaux uniquement, en rouge : interdit. Comme le souligne la députée Reda, l'amendement de JM Cavada colorierait tous les pays verts en jaune ou rouge !

Une pétition a été lancée par un photographe professionnel allemand Nico Trinkhaus le 23 juin. Il y souligne que l’amendement de Jean-Marie Cavada nuira à sa profession et détruira la possibilité d'une photographie urbaine. Le blog Scinfolex (Calimaq déjà cité au 7e et 10e opus de ce fil et dont je vous invite à lire l'article à ce sujet en détail) souligne les erreurs de raisonnement de JM Cavada qui s'oppose au partage gratuit des images de lieux publics au motif que les CGU de quelques services poids lourds (type Facebook) stipulent que tout ce que l'internaute charge sur son profil appartient de jure à ce service. Or il s'agit de CGU très probablement léonines donc abusives. Seconde erreur de JM Cavada, considérer que puisqu'aucun internaute n'a jamais été poursuivi pour une photo, le droit actuel se suffit. Si aucun internaute n’a été poursuivi, cela ne signifie pas que ce comportement est légal. Cela signifie uniquement que la loi n’a pas (encore) été appliqué, et que les internautes peuvent toujours être poursuivis à tout moment pour un simple fait d’avoir publié leurs photos sur Internet. Troisième erreur JM Cavada parle du droit de l'inclusion fortuite (qui n'existe qu'en France). Ce loi tolère l’apparition de bâtiments protégés sur un cliché, à condition qu’ils ne constituent pas le sujet principal de la photo. Mais la jurisprudence se cherche encore car comment déterminer si le bâtiment protégé n’est qu’un élément de décor ou le sujet de la photo ?

Comme le souligne Calimag, l'idée des sociétés de gestion des droits d'auteurs semble être l'instauration d'une « licence de panorama » présentée comme une alternative à la liberté de panorama. Cette licence serait à payer aux dites sociétés de gestion des droits. Le projet consisterait à faire payer aux hébergeurs (Wikipedia, mais aussi tout autre site) une licence pour pouvoir héberger et diffuser des photos comportant des éléments protégés, Cette notion de licence n'est d'ailleurs pas à l’œuvre que sur les photos. En France la musique libre vient d'être mise au pas. Je cite Calimag "Une récente décision de justice a en effet estimé que les musiques sous licence libre sont bien soumises à la redevance appelée « rémunération équitable » instaurée pour compenser les titulaires de droits voisins pour la diffusion publique de musique enregistrée. Des sociétés de gestion collective (SACEM, SPRE) vont pouvoir prélever une dîme au passage, ce qui signe l’impossibilité juridique de mettre en partage sa création. En Belgique, la très agressive société SABAM a ainsi tenté depuis 2011 de mettre en place de sa propre initiative, sans l’intermédiaire d’une loi, une redevance à laquelle elle entendait soumettre l’ensemble des fournisseurs d’accès à internet, au motif qu’ils permettaient à leurs utilisateurs d’accéder à des oeuvres protégées. Cela revenait à instaurer en contournant le législateur une sorte de « taxe sur Internet ». Heureusement, la justice belge a refusé d’entériner ce projet de redevance sauvage, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne."

La gabelle numérique n'est pas loin !

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