Au hasard d'un surf sur des sites informatiques, je suis tombé sur le site La Quadrature du Net (qui défend le logiciel libre) sur la mention d'un "Livre vert" de la commission européenne sur le Droit d'Auteur dans l'économie de la connaissance.

Ma curiosité fut excitée par le sujet, car j'ignorais ce qu'était un livre vert, et encore moins que la commission européenne s'intéressait au droit d'auteur dans l'économie de la connaissance (que voulait d'ailleurs dire ce terme abscons ?). Deux coups de moteur de recherche plus tard, j'ai appris que :

  • un livre vert désigne certains rapports officiels renfermant un ensemble de propositions destinées à être discutées, en vue de l’élaboration d’une politique
  • celui qui m'intéressait était lisible en français sur le site de la commission européenne
  • L'expression «économie de la connaissance» est généralement utilisée pour désigner une activité économique qui ne se fonde pas sur des ressources «naturelles», comme le sol ou les minéraux, mais sur des ressources intellectuelles, comme le savoir-faire et les connaissances spécialisées. Un aspect essentiel du concept d'économie de la connaissance réside dans la possibilité de considérer la connaissance et l'éducation comme des biens marchands ou comme des produits et des services éducatifs et intellectuels pouvant être exportés avec une grande rentabilité. (extrait de l'introduction du livre vert)

A la suite de la lecture de ce rapport, je suis très surpris ! L'introduction précise que le livre vert a pour objet de susciter un débat sur les meilleurs moyens d'assurer la diffusion en ligne des connaissances dans le domaine de la recherche, de la science ou de l'enseignement. Il vise à énoncer un certain nombre de problèmes liés au rôle du droit d'auteur dans la «société de la connaissance»1 et à lancer une consultation sur ces problèmes. Le Livre vert abordera tous les problèmes dans un souci d'équilibre en ayant soin de prendre en considération le point de vue des éditeurs, des bibliothèques, des établissements d'enseignement, des musées, des services d'archives, des chercheurs, des personnes handicapées et du grand public. et la conclusion les réponses et les commentaires, qui peuvent porter sur tout ou partie des points devront parvenir au plus tard le 30 novembre 2008.

Je ne sais pas en ce qui vous concerne, mais pour ma part, je n'ai vu dans aucun site d'archives ni bibliothèque (en ligne ou physique) le relais de cette interrogation du grand public sur le sujet. Je n'ai pas vu non plus le microcosme généalogique se saisir du sujet (il aurait fallu en être au courant) et maintenant nous sommes forclos. On peut quand même souligner l'effort de l'Interassociation Archives, Bibliothèques, Documentation qui a publié sa réponse envoyé à la commission, ou du Bulletin des Bibliothèques de France qui a commenté, c'est au moins le signe que quelques professionnels se sont inquiétés de ce livre vert.

Reprenons les éléments les plus critiques pour le généalogiste

La législation actuelle sur le droit d'auteur prévoit que les bibliothèques accessibles au public, les établissements d'enseignement, les musées et les archives jouissent d'une exception limitée au droit de communication au public et au droit de mise à disposition d'œuvres ou d'autres objets protégés si l'opération s'effectue à des fins de recherches ou d'études privées au moyen de terminaux spécialisés situés dans les locaux de ces établissements (article 5, paragraphe 3, point n de la directive). On peut considérer que cette exception ne couvre pas le transfert électronique de documents à des utilisateurs distants..

Il me semble que cette restriction géographique (les terminaux dans les locaux) est assez étrange. Quelle est la différence entre un utilisateur d'une bibliothèque qui se rend sur place (l'accès est souvent libre) et un utilisateur distant ? La taille de la bibliothèque ? En disant cela on assimile internet à une large bibliothèque où la bibliothèque de Borgès si on veut une allégorie plus philosophique...

Les projets de numérisation à grande échelle ont jeté une lumière nouvelle sur le phénomène des œuvres dites «orphelines», c'est-à-dire les œuvres qui sont encore couvertes par le droit d'auteur mais dont les propriétaires ne peuvent être identifiés ou localisés. Outre les livres, les bibliothèques, les musées et les archives regorgent également d'œuvres orphelines telles que photographies et œuvres audiovisuelles. L'absence d'informations sur leur propriétaire peut faire obstacle à leur mise en ligne et aux efforts de restauration numérique..

Comme souligné dans notre première note, le fait que les droits d'auteur se transmettent aux héritiers post-mortem de l'auteur et ce jusqu'à 70 ans après (bientôt 95 ?) est un problème en soi. Ce phénomène nécessite pour les organismes souhaitant diffuser des œuvres après la mort de leurs créateurs d'engager des recherches complexes pour en trouver les descendants... Ce point semble tellement ancré dans la pensée collective qu'il n'est pas remis en cause par le livre vert.

Voici les questions posées par ce livre vert sur ces sujets, et que nous aurions aimé pouvoir lire les réactions des généalogistes

  • Faut-il conserver telle quelle l'exception en faveur des bibliothèques et des archives, parce que les éditeurs organiseront eux-mêmes l'accès en ligne à leurs catalogues?
  • Afin de renforcer l'accès aux œuvres, les bibliothèques accessibles au public, les établissements d'enseignement, les musées et les archives devraient-ils conclure des accords avec les éditeurs en vue de l'octroi de licences? Existe-t-il des exemples concluants de systèmes d'octroi de licences en matière d'accès en ligne aux collections des bibliothèques?
  • Faut-il préciser la portée de l'exception dont bénéficient les bibliothèques accessibles au public, les établissements d'enseignement, les musées et les archives en ce qui concerne:
    • la conversion des formats;
    • le nombre de copies autorisées au titre de cette exception;
    • le scannage intégral de collections conservées par les bibliothèques?
  • Faut-il préciser la législation afin de déterminer si le scannage des œuvres des bibliothèques, dans le but de permettre les recherches dans leur contenu sur l'internet, relève ou non des exceptions actuelles au droit d'auteur?
  • Est-il nécessaire d'élaborer au niveau communautaire un nouvel acte législatif plus ambitieux que la recommandation 2006/585/CE du 24 août 2006 sur le problème des œuvres orphelines?
  • Si oui, cet instrument devra-t-il prendre la forme d'une modification de la directive de 2001 sur le droit d'auteur dans la société de l'information, ou d'un acte autonome?
  • Comment régler les aspects trans-frontaliers de la question des œuvres orphelines de manière à assurer la reconnaissance à l'échelon de l'UE des solutions adoptées dans les différents États membres?

Dites nous ce que vous auriez aimé dire à la commission européenne bien que nous soyons forclos, le débat reste intéressant...