La plupart des cas connus le sont au travers des procès (soit des sorcières soit de leurs meurtriers) mais il est possible que de nombreuses victimes soient restées inconnues. On peut lire par exemple le résumé du procès Élisabeth Gewinner à Guebwiller (68) en 1615. L'historien Jacques Roehrig donne dans son livre "Procès de sorcellerie aux XVIe et XVIIe siècles - Alsace, Franche-Comté, Lorraine" reconstitue un « Mémorial des sorcières », riche de plus de 5 000 noms pour ces seules trois régions de l'est de la France. Pour l'Europe entière il y a probablement eu plus de 50 000 victimes. Peu de bases de données sont accessibles en ligne mais on doit remarquer celle de l'association Vosges Généalogie.

Le phénomène n'est de loin pas limité à l'est de la France, le livre "Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons" publié par le magistrat de Bordeaux, Pierre de Lancre en 1612 donne une idée des persécutions qu'il a mené avec son collègue Jean d’Espaignet dans le Labourd (l’une des trois provinces qui forment le Pays basque français) en 1609. Les archives de la commission dirigée par de Lancre ont disparu dans un incendie du parlement de Bordeaux au début du XVIIIe siècle, son livre constitue la source historique unique, sur cet épisode tragique.

Les archives lorsqu'elles n'ont pas été détruites ne sont pas toujours conservées aux AD (archives départementales) correspondantes. Par exemple celles du pays de Montbéliard sont aux AN (archives nationales). Les victimes étaient au trois quarts des femmes, souvent agées. Quelques hommes ont aussi été condamnés comme sorciers, le plus célèbre d'entre eux étant Urbain Grandier, prêtre à Loudun (86), accusé en 1632 et brûlé en 1634.

Ailleurs en Europe, on trouve aussi des archives comme ici en Suisse à Genève ou ici en Ecosse. L'élément le plus étonnant est cependant la création entre 1935 et 1944 d'une commission spéciale de lAhnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft (“Société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral”) par le Reichsführer Heinrich Himmler appelée Hexen-Sonderauftrag ("Projet spécial sur la Sorcellerie"), qui a recensé dans tous les sorcières dans tous les territoires du grand Reich (y compris l'Alsace-Moselle annexée). L'objectif de cette étude est de démontrer que l'église catholique aurait cherché à éradiquer l’antique et immémoriale religion des Germains. Un vaste fichier d'analyse des archives appelé Hexenkartothek ("Cartothèque des sorcières") est réalisé pendant ces dix années rassemblant 33 846 fiches de résumé et réalisant 3621 cartes de localisation.

Cette cartothèque a été perdue de vue à la fin de la guerre, jusqu'à ce qu'en 2016 un tabloïd norvégien reprenne les informations d’un site Internet qui s’intéresse à l’historien Bjørn Helge Horrisland, chercheur et membre de la Société norvégienne des francs-maçons. Selon l’article publié, ce dernier, qui travaille à la recherche de bibliothèques spoliées pendant la guerre, aurait dévoilé, au cours d’un séminaire consacré aux livres volés, qu’une partie de la vaste documentation rassemblée par la section de recherches sur la sorcellerie serait abritée dans un dépôt de la bibliothèque nationale tchèque. Il aurait même précisé qu’il s’agissait de 13 000 livres, dont 6 000 auraient fait partie de la bibliothèque du siège de la franc-maçonnerie d’Oslo. Entreposée et oubliée dans ce lieu vers 1950, cette documentation n’aurait guère bougé depuis, le local ayant été longtemps interdit aux visiteurs extérieurs. La nouvelle est reprise par la presse internationale, qui trouve là l’occasion de rappeler les singulières recherches des SS et le “mysticisme nazi”. Mais, contre toute attente, la bibliothèque nationale de Prague dément quelques jours plus tard qu’il s’agit de la “bibliothèque d’Himmler”. Les livres dont il est question sont majoritairement des ouvrages traitant de sujets “ordinaires”, bien loin de la sorcellerie et de l’occultisme. L’historienne Marcela Strouhalova, qui travaille avec la bibliothèque nationale pour identifier les livres spoliés et leurs propriétaires, déclare même que “tout l’article norvégien est de la science-fiction”.

Cette fausse piste aura eu en tout cas un grand mérite, celui de replacer la véritable Hexenkartothek sous les feux de l’actualité. On découvre finalement qu’à la fin de la guerre le fichier a été déplacé dans un château de Silésie et que, récupéré par les autorités polonaises, il a échappé de peu à la destruction. Puis il a été intégré aux archives de la voïvodie de Poznan où il est rapidement tombé dans l’oubli. Il ne sera véritablement “exhumé” qu’en 1980, par Gerhard Schormann, un historien allemand qui travaille sur le thème des procès en sorcellerie en Allemagne. Les archives allemandes l'ont numérisé et vous pouvez le voir par ce lien.