Son projet de rapport est lisible sur le site du parlement européen. Ce texte a déjà contre lui 550 amendements, bien souvent ayant pour origine nos députés français de tous bord (voire à ce sujet l'analyse édifiante de Nextimpact). Comme le souligne l'eurodéputée elle même sur son blog "Les députés européens français se distinguent de leurs collègues européens sur la question du droit d'auteur par leur ralliement pour le non changement" !

Quelles sont donc ces principales mesures révolutionnaires ?

  • Première proposition : l'harmonisation européenne des droits dans leur durée, 50 ans post mortem.

Pour l'instant on a plusieurs valeurs 50, 70 ou 70+guerres+exceptions (le dernier cas est le cas français). Comme le montre fort bien l'article de Salz sur Agoravox (dans son milieu, l'article est assez long), cette disposition mène a favoriser plus les rentiers que les créateurs. Par exemple à ce que la seconde épouse du mari de la bonne du frère de Ravel soit l'unique héritière de son Boléro, quoique ces droits tombent dans le compte d'une société dans un paradis fiscal, suivant un contrat anglo-saxon. Cet article compare aussi le droit d'auteur et le droit de brevet. Quand un inventeur dépose un brevet, cela lui confère non pas un droit d'exploitation, mais un droit d'interdiction de l'exploitation opposable à un tiers, à partir d'une certaine date et pour une durée limitée (20 ans en général) à condition qu'il débourse des sommes chaque année pour renouveler ce brevet. On est donc dans un système deux poids, deux mesures qui sur-valorise l'artiste (ou plutôt principalement ses héritiers). Rappelons l'étude du professeur Rufus Pollock, de la faculté d’Economie de l’université de Cambridge dont nous avons parlé dès le premier article "du droit d'auteur" : la durée optimale de protection pour une œuvre n'est que de 14 ans. Alors cette proposition de l'euro-députée Réda, vous parait-elle révolutionnaire ?

  • Deuxième proposition qui découle de la première : sortir de la territorialité des droits d'auteurs.

Pour l'instant chaque pays ayant défini sa durée et ses droits, l'éditeur qui veut bien faire doit gérer chaque cas particulier. Cela pouvait entrainer à ce qu'un livre publié en français à Lausanne ne génère pas les mêmes droits que s'il était publié à Paris, mais peu de parisiens faisaient le voyage pour l'acheter moins cher pour peu qu'il le fût réellement. Aujourd'hui à l'ère du numérique, on tombe dans l'absurdité du "geoblocking". Comme le martèle le commissaire européen estonien Andrus Ansip "No one can be punished for accessing legally purchased content in another country." c'est à dire "Personne ne peut être puni pour accéder à un contenu légalement acheté dans un autre pays"... voire dans le même comme le rappelle Nextinpact qui nous informe des déboires des réunionnais pour acheter des livres numériques. Alors cette proposition de l'euro-députée Réda, vous parait-elle révolutionnaire ?

  • Troisième proposition : le fait de rendre obligatoire la liste des exceptions figurant dans l’actuelle directive européenne, pour mettre fin aux disparités entre les différentes lois nationales, qui privent trop souvent les citoyens d’un pays des facultés reconnues dans d’autres. Les droits de parodie, citation, copie privée ou panorama pour ne citer qu'eux sont actuellement différents d'un pays à l'autre.

Une photo de moi avec en fond le pont de l'Europe est légale en Allemagne et illégale en France comme nous en avons déjà parlé ici. Alors cette proposition de l'euro-députée Réda, vous parait-elle révolutionnaire ?

  • Quatrième proposition : l’introduction de nouvelles exceptions permettant de tirer partie des possibilités ouvertes par le numérique, qu’il s’agisse des nouvelles pratiques créatives (mashup, remix, etc.), de l’exploration de texte et de données pour les chercheurs, du prêt de livres numériques en bibliothèque ou de la simple création de liens sur une page web ! Également étendre les exceptions du point 3 dans le domaine numérique, mal ou peu couvert.

L’exemple fourni par l'eurodéputée est celui des photos numériques de monuments historiques qui, déposées sur des banques d’images accessibles au public, tombent normalement dans le même régime que les cartes postales. Alors cette proposition de l'euro-députée Réda, vous parait-elle révolutionnaire ?

  • Cinquième proposition : que les œuvres produites par le secteur public soient exemptées de protection du droit d’auteur, la liberté pour les titulaires de droits à abandonner leurs œuvres dans le domaine public et enfin assurer de l’utilisation libre des photos, vidéo, etc. d’œuvres se trouvant dans le domaine public.

Vous percevez ce que ça implique pour la généalogie ? Les archives étant dans le domaine public, leur utilisation de manière libre doit être garantie. Combiné au point 4 c'est quasiment l'obligation d'avoir un accès numérique gratuit aux archives. Alors cette proposition de l'euro-députée Réda, vous parait-elle révolutionnaire ?

Vous voulez en lire d'avantage sur le sujet, allez voir la lettre ouverte de la Quadrature du net ou cet article de NDF

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