Comme le montre cet article de Franceinfo, la France compte un certain nombre de rues concernées (au moins 21 à Bordeaux, 8 à Nantes, 5 à Marseille, 1 à La Rochelle, 1 au Havre). En regardant précisément le nom de ces rues on peut en distinguer deux types : celles dont le nom désigne précisément un négrier et celle dont le nom désigne un membre d'une famille ayant participé à la traite négrière. Pour cette deuxième catégorie on ne peut qu'être très sceptique, un homme ne pouvant être tenu pour responsable des crimes des autres, fussent-ils de sa famille.
Certaines de ces villes s'étant enrichies de la traite ont fait un pas en avant pour commémorer. La ville de Nantes a ouvert un mémorial de l’abolition de l’esclavage en 2012 tandis que La Rochelle a inauguré une statue de Toussaint Louverture en 2015 pour rendre hommage au symbole de l’abolitionnisme haïtien.
Cela pose d'ailleurs la question de savoir pourquoi un odonyme est attribué. S'agit-il d'encenser, de commémorer ou de se souvenir ? Les noms des rues sont-ils le reflet de l'histoire ? Le rôle de l'histoire n'est-il pas de dire la vérité historique et celui des archives n'est-il pas d'entretenir la mémoire au travers de la conservation des sources ? Beaucoup de dirigeants et toutes les dictatures ont tenté de ré-écrire l'histoire en leur faveur et de détruire les archives prouvant le contraire.
Notre façon de voir des héros ou des bourreaux change avec le temps et chaque personnage n'est pas monolithique. Robespierre fut un défenseur de l'abolition de l'esclavage et le principal dirigeant de la terreur. Colbert fut une personnalité centrale du règne du Louis XIV et le rédacteur du code noir. Doit-on effacer tout un passé au nom des erreurs de ces personnages ? Le débat est ouvert.
*** Addendum du 18/09/2017 ***
Philippe Dagen dans son enquête "Lee de douleur" publiée le samedi 9 septembre 2017 dans le journal Le Monde, précise quelques points qu'il me semble intéressant de partager avec vous.
- L"enjeu symbolique du statutaire a conduit au démantèlement des 5000 statues de Lénine en Ukraine par exemple sans parler de celles de Saddam Hussein à Bagdad, dont la plus grande fut démolie en direct à la télévision le 9 avril 2003.
- La place du statutaire dans l'espace public américain est différent de ce qu'il est en France : un des moments fondateurs de l'indépendance américaine est la démolition de la statue de George III roi d'Angleterre à Bowling Green dans le sud de Manhattan, le 9 juillet 1776.
- La statue équestre de Charlottesville fut conçue en 1924, 54 ans après la mort de Lee et inaugurée lors d'un congrès du groupe "The sons of Confederate veterans". C'est un peu comme si en France on avait érigé des statues de Pierre Laval ou Jacques Doriot 20 ans après Vichy.
*** fin d'addendum ***
9 réactions
1 De sebastien - 09/09/2017, 18:46
Et que fait-on de Colbert qui a fait rédiger le Code Noir ? Doit-on occulter des pans entiers de notre histoire au nom du politiquement correct ?
Ne serait-il pas plus intelligent de regarder en face notre histoire et de faire de la pédagogie et de cesser des jugements moraux actuels sur des événements vieux de plusieurs siècles.
2 De Guillaume - 22/09/2017, 18:33
Certains relancent le sujet sur des enseignes présentes à Paris et proposent comme ici en 2011 de les démonter et mettre au musée ? Le musée est-il le lieu de rebut de ce que nous ne voulons plus voir dans les rues ? Est-ce le lieu de toutes les explications ?
3 De Guillaume - 30/09/2017, 15:51
Ca y est, le conseil de Paris a voté le démontage de l'enseigne "Au nègre joyeux" et la peinture sera installée au musée Carnavalet. Ca pose l'intéressante question de savoir ce que contiennent nos musées. Est-ce l'espace qui correspond à ce que nous ne voulons plus collectivement voir en public ?
4 De Guillaume - 14/10/2017, 19:31
Voici la position de la maire du Ve arrondissement
5 De Guillaume - 14/02/2018, 19:43
Et concernant la destruction d'archives, ça se produit de nos jours, dans une démocratie & près de chez nous !
6 De Erika Caubet-Bachem - 07/03/2018, 19:08
Bonjour FranceGenweb
Personnellement je préférerais une plaque explicative plutôt que cette manie de purger systématiquement l'histoire au prétexte qu'un personnage a soutenu une méchante idée ou s'est mal conduit ou même qu'un nom paraît malvenu.
Que nous le sachions ou pas, que nous le voulions ou pas nous sommes tous fils d'un prince, d'un pendu, d'un saint et d'un fou et apprendre l'Histoire au fil de sa complexité et de nos rues pourraient nous intriguer comme un jeu de piste. Lire de petites histoires pour mieux se souvenir de l'Histoire serait amusant et constructif.
Et puis méfions nous aussi des clichés. A titre d'exemple voici une petite histoire:
A Biarritz, il y a tout un quartier qui s'appelle " La Négresse " et l'Avenue qui y conduisait avant l'assassinat du président américain JF Kennedy en novembre 1963 s'appelait encore l'Avenue de la Négresse. Il n'y avait pas de racisme là-dedans , en tout cas pas en ce temps là ni aujourd'hui, même si nous savons bien que Bayonne et la Côte Basque ont aussi pratiqué en leur temps au 18ème siècle le Commerce triangulaire "du bois noir" lié au Capitalisme des temps anciens.
Et l'histoire de ce quartier c'est une belle histoire pour ce chemin d'autrefois simplement appelé la Route d'Espagne.
Vers la fin du 18ème siècle, un Basque du coin, un pauvre cadet probablement, embarqua selon l'usage de l'époque pour faire fortune aux Amériques. Chose faite, il en revint avec une charmante épouse quarteronne et reprit la gestion d'un relais de poste dans l'ancien quartier biarrot d'Arrauntz ( orthographe non garantie) sur cette route d'Espagne qui longe la Côte d'Argent . Sa femme créole au teint ensoleillé étant aussi une fine cuisinière, le relais se transforma vite en auberge réputée dont les plats goûteux et plein de couleurs autant que de saveurs attiraient les armées révolutionnaires en route pour la guerre.
Devenue veuve pour nourrir ses enfants " la Négresse " continua avec courage son négoce. Son auberge eût tant de succès et attirait tant de passage et de chalands que d'autres commerces vinrent peu à peu s'installer là pour profiter de l'aubaine. C'est ainsi que ce quartier devint celui de La Négresse, en hommage au premier restaurant célèbre de Biarritz et à cette femme. Biarritz n'était alors vers 1800 qu'un modeste village de pêcheurs. Pourtant c'est bel et bien cette femme "Négresse" talentueuse et fameuse cuisinièrei qui par son talent et sa notoriété a légué son nom à tout un très grand quartier et joli nanti de deux lacs dont l'un s'appelle aussi Lac de la Négresse.
Je me souviens avoir connu dans ma jeunesse une vieille enseigne peinte, dont on disait encore qu'il s'agissait du portrait de la Négresse. Où se trouve aujourd'hui la vieille enseigne de La Négresse je n'en sais rien. Etait-ce vraiment son portrait naïf, coloré, attirant ? Je n'en sais rien non plus, Mais ce qui est vrai c'est que de nos jours aucune autre femme de Biarritz peut prétendre à une telle popularité et je défie quiconque de vouloir stupidement taxer Biarritz et ses habitants, de racisme.
ECB
7 De Guillaume - 21/03/2019, 08:44
De nouveau des voix s'élèvent pour réclamer la disparition des statues de Marchand, Faidherbe ou Bugeaud. C'est à lire sur le site de Franceinfo
8 De Guillaume - 26/08/2019, 12:31
Cette fois ci c'est une fresque antiraciste dépaignant les zones d'ombres de la vie de George Washington qui est attaquée à San Francisco, c'est à lire sur Slate
9 De Guillaume - 28/08/2019, 13:34
A lire également cet article sur Slate qui montre qu'associations et municipalités se déchirent ou pas car baptiser une rue est la vitrine des causes politiques qu'ils défendent, avec entre autres une interview de Jean-Claude Bouvier, spécialiste de la toponymie