Un nouvel épisode pour aborder encore plusieurs thèmes
Tout d'abord dans le cadre de la future loi de bioéthique, qui devrait être votée en Juin, une audition d'un généticien, de la fédération française de Généalogie (FFG) ainsi que des sociétés Filae & Familysearch a eu lieu à l'assemblée nationale. Le législateur s'intéresse aux 3 kits dits "à visée généalogique : ADN-Y, ADN mitochondrial et ADN autosomal". Ce dernier a aussi une visée médicale puisqu'on peut y retrouver des informations sur de potentielles maladies génétiques. Les mésaventures des personnes ayant confondu potentialité et certitude étaient très biens montrées dans le reportage Complément d'Enquête déjà cité dans l'opus 12. On peut voir que le lobbying pour faire passer ces tests dans la loi est important, et qu'il regroupe de nombreux acteurs, nous l'avons montré lors des opus 10 ou 14 car les enjeux financiers sont grands, nous l'avons également décrit en détail dans l'opus 12.
Dans le même temps, la CNIL a réagi sur son blog pour rappeler que pour elle ces tests récréatifs, ne sont pas inoffensifs. Y est pointé, entre autre et à très juste titre, le fait que ces données ne sont pas personnelles mais pluripersonnelles. Se percutent donc d'un point de vue médical : le secret médical, la nécessité de protéger la santé des membres de la famille, et le droit de ne pas savoir. Je me dis que l'on pourrait également tirer un autre parallèle où se percutent d'un point de vue fichage, la volonté de certain d'être dans des bases de données et celle tout aussi légitime pour d'autres de ne pas y apparaitre. La CNIL insiste aussi sur le fait que les tests s'accompagnent de questionnaires très précis et intrusifs concernant la sexualité, l’apparence physique, les maladies, les allergies, etc. toutes considérées comme des données personnelles au regard du règlement RGPD. Le prix de commercialisation de ces tests est également très questionnable : le coût du test pour l’entreprise étant supérieur au prix demandé à ses clients, c'est la preuve qu’un second marché lui permet de valoriser les résultats des tests et les données associées.
Ensuite on voit que la position de ces entreprises de tests génétique est en train d'évoluer. Après avoir subi l'utilisation de leur base par la police (cf opus 6), après avoir passé des accords avec le FBI (cf opus 6 encore), voici qu'elles mettent en avant l'aspect délation "soyez citoyen aidez-nous à attraper les meurtriers" comme nous le rapporte Dick Eastman sur son blog en anglais. C'est l'occasion de se poser la question de la fiabilité de ces tests et un article en anglais nous invite à la plus grande prudence en la matière. Les résultats peuvent être trompeurs et doivent être associés à des éléments de police classique. On voit également dans cet autre article sur 20minutes qu'à mesure que les policiers peaufinent leurs techniques de prélèvement et de protection des preuves ADN, les criminels passent maître dans l’art d’effacer leurs traces…
Ce qui amène a savoir ce qu'on veut faire dire aux études ADN. Comme le rapporte cet article (en espagnol) d'El Pais une étude ADN sur les descendants des habitants des villes pillées aux Pays-Bas par les Tercios de Flandre (infanterie espagnole) au 16e siècle ne révèle pas de traces génétiques de soldats espagnols. Cependant l'article souligne aussi que ce n'est pas une preuve car l'armée de mercenaires était composée à 80% de soldats de différentes origines (allemande et italienne notamment), et que la mortalité infantile étant très élevée, la probabilité pour que les enfants nés de ces viols aient survécu est faible. Autrement dit dans ce cas l'étude ne prouve rien.
3 réactions
1 De Guillaume - 24/04/2019, 15:29
Le professeur Guido Pennings, chercheur en bioéthique à l'université de Gand (Belgique) qualifie sur la revue scientifique Human Reproduction. les recherches en paternité faites sur des sites de généalogie génétique par des personnes nées suite à des dons de sperme de "violation du droit à la vie privée des donneurs". Il propose de bannir les sites de généalogie génétique pour protéger les donneurs. C'est à lire en anglais sur le site du Daily Mail
2 De Guillaume - 14/09/2019, 18:20
La revue de l'INSERM a interrogé 3 de ses membres du comité d'éthique pour savoir si les tests récréatifs étaient juste un jeu. Les trois ont répondu non :
3 De Guillaume - 28/01/2020, 10:16
Catherine Bourgain affiche son septicisme face à la proposition sénétoriale d'autoriser ces tests pour la recherche généalogique à lire sur FranceInfo
Comme si recherches scientifiques et recherches généalogiques pouvaient être mises sur le même niveau. La recherche scientifique c'est produire des savoirs pour la société. Attention où on met le doigt parce que l'on va construire les bases de données, poser des problèmes pour un type de bénéfices extrêmement limités. Et pour le coup, est-ce que ça vaut vraiment le coup de constituer ce type de bases de données ? Je suis très sceptique.
On voit qu'on constitue le fichier d'individus à travers leur ADN. Ce qui posent énormément de questions parce que ce sont des entreprises privées qui les détiennent. Et ces entreprises, leur business model, c'est de vendre des données, elles se rachètent, elles se font racheter, etc. Donc, toutes ces données qui sont extrêmement sensibles sont "marchandisées". La question est de savoir est ce qu'on a envie de favoriser le développement de ce type de tests ? Ou est-ce qu'on considère que la génétique est certes une information individuelle, mais aussi une information collective, et que la France a aussi la possibilité de définir son modèle, comme c'est le cas depuis plus de 30 ans. Un second modèle de rapport à la génétique : est-ce que ça vaut le coup ? Qu'est-ce qu'on va y gagner ? Il me semble que le bénéfice général est extrêmement discutable.