Tout d'abord il faut comprendre qu'il existe 3 grandes familles de tests
- le séquençage complet - à but médical
- l'empreinte génétique - à but d'identification d'un individu
- le test de généalogie génétique
Chacune de ces familles de tests à plusieurs variantes, pour cet opus et afin de ne pas vous noyer sous les détails techniques, je resterais à un niveau généraliste.
Le point commun à ces trois tests est l'échantillon de départ et souvent la machine de séquençage. Ainsi un même échantillon peut permettre de générer les trois types de données. Ces données sont inclusives dans l'ordre descendant, c'est à dire qu'un séquençage complet contient toutes les informations nécessaires à une empreinte, qui elle même contient les infos du test de généalogie génétique.
Le premier séquençage complet date de 2003, a nécessité le travail de 20000 personnes pendant 13 ans et a couté 3 milliards de dollars. Actuellement il dure quelques heures pour quelques centaines d'euros. En conséquence le nombre de profils séquencés dans le monde a explosé. Ils étaient une centaine en 2009, 200 000 en 2013 et on estime que le milliard d'individus devrait être atteint en 2022. Dès 1998, voyant le potentiel financier derrière la détention d'un fichier de données génétiques d'un pays à la population génétiquement très homogène, la société DeCODE Genetics a persuadé le gouvernement islandais de lui louer 12 ans l'accès aux données génétiques de sa population de 300 000 habitants. En 2003, la Cour suprême islandaise annule ce contrat, jugé anticonstitutionnel. En Angleterre, le programme Genomics England a été lancé en aout 2014 pour séquencer le génome de 100 000 personnes. En France c'est l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris qui prépare avec la société IntegraGen la future biobanque génétique nationale.
Les empreintes génétiques sont, elles, utilisées depuis 1985. On utilise couramment treize loci (régions de séquence répétée) pour une identification. Chaque locus est composé d’une certaine séquence de répétition (microsatellite) et le nombre de répétitions est parfaitement indépendant des répétitions sur les autres locus. La probabilité d’identification est de 1 chance sur 3x10^12 (parce que 0,2 % de la population mondiale est constituée de jumeaux monozygotes). En France au 1er janvier 2015, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques comptait 2 752 953 profils génétiques de personnes dûment identifiées, soit approximativement 4 % de la population française, plus 254 038 traces non identifiées. 83 % des personnes sont fichées en tant que mis en cause — et donc présumées innocentes ; leurs empreintes sont conservées pendant vingt-cinq ans —, 17 % en tant que personnes « condamnées » (leurs empreintes seront conservées quarante ans). Pour aller plus loin et comprendre les enjeux sociaux de l'identification ADN, je vous invite à lire ces deux articles 1 & 2
Les tests de généalogie génétique sont eux apparus en 2007. Un des pionniers du secteur 23andMe appartient à Google. Les 5 plus grosses sociétés possèdent à elles seules 16 millions de profils ! Une association américaine de généalogie génétique propose un comparatif.
Ces bases comme montré dans notre opus précédent ne sont pas étanches. Juste deux petits exemples : en 2015, Genentech, une filiale des laboratoires Roche a signé un contrat de 60 millions de dollars pour avoir accès à l’ADN de 12 000 clients de 23andMe atteints de Parkinson ou non et ayant donné leur consentement. La même année, la société californienne a vendu les données génétiques de ses clients à Pfizer dans le cadre de recherche sur les maladies de l’intestin. Le montant de la transaction n’a pas été rendu public.
Le business de l'ADN tourne à fond dans notre dos et les entreprises du secteur ne semblent pas s'encombrer systématiquement de la notion de vie privée et de consentement à la réutilisation des données.
*** Edit orthographique du 06/10/19 suite à l'excellente remarque de DenisB ***
15 réactions
1 De Guillaume - 28/05/2018, 20:28
L'Estonie a créé une base de données de séquençages pour 10% de sa population. Les volontaires sont informés qu'ils ne pourront pas utiliser leurs données génétiques pour vérifier leurs relations familiales, car cela empiéterait sur la vie privée d'autres personnes. Le "partenaire technique" est le laboratoire allemand Synlab.
2 De Guillaume - 06/06/2018, 21:11
Un "incident de cybersécurité" vient de toucher le site israélien MyHeritage. Toutes les adresses e-mail des utilisateurs et les mots de passe "hashés" inscrits sur MyHeritage jusqu’au 26 octobre 2017 sont déclarés compromis par un chercheur indépendant en cybersécurité et confirmés par la firme en question. Depuis 8 mois les hackers ont donc pu chercher à casser par force brute les mots de passe en calculant tous les hash possibles... La déclaration de MyHeritage se veut rassurante en disant que les arbres généalogiques et les données ADN sont stockéssur des systèmes distincts mais celui qui a récupéré les mots de passe a potentiellement copié les données des 92 millions d'utilisateurs ( soit 95% des clients de la firme) et parmi eux de nombreux résultats ADN. Que vont devenir ces résultats ? Quels traitements vont-ils en être faits ?
3 De Guillaume - 03/09/2018, 20:43
23andMe a vendu à GSK (GlaxoSmithKline) pour 300 millions de dollars (267 millions d’euros) l'intégralité de ses données (soit celles de 5 millions de clients). A lire l'excellente réaction de Clément Bècle sur son blog
4 De Guillaume - 08/10/2018, 18:52
Pour en savoir un peu plus sur les capacités de l'empreinte génétique https://theconversation.com/police-...
5 De Guillaume - 21/11/2018, 20:49
Le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) est en passe de devenir un fichier de fichage généralisé comme le montre Nextimpact
6 De Guillaume - 07/02/2019, 17:46
Un outil nommé ENA (European Nucleotide Archive) regroupe 500 000 génomes à l'échèle européenne et il vient d'être créé un index de cette base nommé BIGSI (BItsliced Genomic Signature Index) qui réduit les temps de recherche de signatures dans la base à quelques millisecondes. Source en anglais The Atlantic
7 De Guillaume - 11/02/2019, 14:20
L'étape suivante semble être franchie : une première entreprise propose un séquençage complet pour le loisir. Le nom de l'entreprise semble montrer ou certain un humour noir ou une ironie certaine puisqu'on parle de l'auteur du livre "l'Enfer". A voir sur Facebook
8 De Guillaume - 07/04/2019, 14:23
Un lycéen de Grenoble, féru de biotechnologie et de bidouillage d’ADN, rapporte s’être injecté un virus dont le génome renferme une séquence codée à partir d’un passage de la Bible ainsi qu’une protéine inspirée d’un texte du Coran. C'est à lire sur un blog du Monde
9 De Guillaume - 19/09/2019, 19:07
Le séquençage d'état pour 1 million d'individus est en train de se produire aux USA comme nous le narre Wedemain
10 De Guillaume - 30/09/2019, 21:36
Comme nous le narre le site suisse Heidi.news la biobanque suisse de cellules souches CryoSave a brutalement déménagé emportant avec elle les 33000 échantillons biologiques de Suisse en Pologne.
11 De DenisB - 05/10/2019, 21:30
S'il vous plait, empreinte, pas emprunte !!!! C'est blessant pour les yeux de répéter plusieurs fois la même erreur...
12 De Guillaume - 06/10/2019, 12:18
Le fisc américain (l'IRS) a classé ces tests comme donnant une information médicale ouvrant le droit à un dégrèvement. C'est à lire en anglais sur Quartz
13 De Guillaume - 09/10/2019, 15:33
Pour ceux qui s'intéressent à la « Médecine personnalisée » basée principalement sur l'ADN : attention à la collecte massive des données nous prévient The Conversation
14 De Guillaume - 23/10/2019, 12:12
CNN nous annonce que le MIT a dévoloppé une nouvelle méthode d'édition des gènes (CRISPR Cas9) qui pourrait permettre de corriger jusqu'à 89% des défauts génétiques. On s'approche à très grands pas de l'eugénisme. C'est à lire en anglais sur le site de CNN.
15 De Guillaume - 07/11/2019, 13:57
Pour 500 dollars, une start-up nommée Elysium Health prévoit de vous donner l'âge réel de votre corps. La validité de ce test est très décriée... C'est à lire sur Korii