Regardons plus précisément ce qui s'est passé : les enquêteurs ont utilisé de l'ADN prélevé sur les lieux d'un des crimes. Pendant des mois, ils l'ont comparé aux profils génétiques disponibles sur les sites comme Ancestry ou Genealogy. Les enquêteurs et l'équipe de la procureure ont exploré les arbres généalogiques de familles dont les ADN s'approchaient des échantillons prélevés. Finalement, jeudi dernier, l'enquête s'est focalisée sur un individu , qui avait vécu dans la zone de beaucoup des agressions, et avait le bon âge. La police a lancé une opération de surveillance pour récupérer des échantillons d'ADN jetés par le suspect, sans préciser de quel type, puis les ont fait analyser. Les résultats sont arrivés lundi soir, et la police s'est ensuite dépêchée d'organiser son arrestation.
Certes nous pouvons nous réjouir de l'arrestation de ce tueur mais cela ouvre plusieurs questions.
- La première est la finalité des données. Lorsque nous publions des données généalogiques, est-ce pour qu'elles soient utilisées dans un autre cadre (aussi noble soit-il) en dehors de la généalogie ? Lorsque les recommandation des sites généalogiques européens sont de ne pas publier de données sur des personnes vivantes, avons nous réellement compris pourquoi ? Les avons nous respectées ?
- La seconde question est-elle beaucoup plus liée à l'ADN. Comme nous l'avons déjà dénoncé ici et comme l'avait dénoncé Guillaume de Morant, il y a également un mélange des genres et une réutilisation des données ADN à visée généalogique par la police. Là aussi il semble n'y avoir aucune barrière entre ADN "récréatif" et ADN de police scientifique aux USA.
Entendons nous bien, cette fois ci cela a permis d'arrêter un criminel recherché depuis 1978. Mais cela pourrait potentiellement concerner toute personne en délicatesse avec la justice pour quelque motif que ce soit : personne présente par hasard sur les lieux quelques minutes avant un crime, lanceur d'alerte, activiste, résistant. Imaginons ce qu'auraient pu donner ces technologies dans le cadre de la seconde guerre mondiale. Comment des résistants auraient-ils pu échapper aux autorités car mis en danger par leurs proches qui auraient participé de manière récréative à une analyse ADN. Comment ces proches auraient-ils été protégés des représailles ? C'est bien l'anonymat/pseudonymat qui a protégé tout le monde.
Si l'on veut se faire une idée de ce que donne une société dont toutes les actions sont basée sur l'ADN je ne saurais trop vous conseiller de voir (ou revoir) le film d'anticipation Bienvenue à Gattaca
*** Addendum du 30/04/2018 *** suite à publication d'un article sur le site de la RFG
La Revue Française de Généalogie a détaillé le modus operandi de la police américaine. Elle a utilisé de l’ADN prélevé sur les lieux d'un des crimes et a eu l'idée de le publier sous pseudonyme sur le portail GEDmatch.com, édité depuis la Floride. Comme tout utilisateur, elle a ensuite pu comparer leurs données avec celles de dizaines de milliers d'autres personnes qui ont fait la même démarche volontaire de déposer leurs profils ADN. On est donc très loin d'une utilisation encadrée par une commission rogatoire, on est bien dans l'utilisation incontrôlée d'une base de donnée privée à des fins autres que ceux pour lesquelles les personnes ont souscrit le service.
Et l'article de lever deux autres questions comment ne pas s'inquiéter d'utilisations qui pourraient en être faite par des assurances, des banques, des mutuelles... et comment respecter l'anonymat des détenteurs de données, comment les assurer d'un retrait en un clic de leur profil s'ils changent d'avis ?
*** fin d'addendum ***
*** Addendum du 02/06/2018 *** en retour sur un article du Figaro
Les assurances ont déjà un pied dans la porte : la société sud-africaine d’assurance Discovery, qui récompense ses adhérents qui adoptent un mode de vie sain, prévoit d’offrir à ses clients des tests génétiques pour promouvoir davantage ce système de bonus. Une tendance qui fait bondir les spécialistes de la génétique. Ils regrettent que la santé ne soit qu’un prétexte pour s’enrichir.
19 réactions
1 De Boiton - 29/04/2018, 21:15
Je vous cite : "il semble n'y avoir aucune barrière entre ADN "récréatif" et ADN de police scientifique aux USA.".
et je vous pose ma question: dans votre ADN récréatif, y aurait-il une barrière avec l'ADN recherche de paternité?
Pour ma part, je souhaite que l'ADN recherche de paternité reste du strict domaine de l'autorisation du Juge!
Votre ADN récréatif va piétiner mes droits au nom de votre liberté de jouer avec l'ADN et de faire de l'argent avec l'ADN (cf le texte du premier sondage de Guillaume de Morant) .
Je suis bien content de cette utilisation par la police américaine!
Bonne soirée
Pierre BOITON
2 De Guillaume - 30/04/2018, 19:55
Bonjour Pierre
L'expression ADN récréatif est celui du texte proposé dans le cadre des états généraux de la bio-éthique (cf l'opus 5 de ce fil)
Pour l'instant l'ADN est utilisé de manière encadré en recherche de paternité mais demain si le cadre "récréatif" est accepté il n'y aura qu'une légère différence technique entre les deux mais cela ouvrira la porte à toutes les recherches "sauvages" et mercantiles de paternité
3 De Jean-Charles NANTEUIL - 01/05/2018, 17:55
Bonjour :
Personnellement ,j'ai effectué un test ADN que vous appelez dédaigneusement "récréatif". J'en suis tout à fait satisfait et ,n'ayant violé personne, je n'ai rien à cacher ! Les données personnelles sont utilisées sans vergogne par des tas de sites,et ça ne semble pas vous déranger ! Vous pensez ce que vous voulez et moi également. Cordialement...quand-même !
4 De Guillaume - 09/05/2018, 10:38
Bonjour Jean-Charles
Je ne suis pas à l'origine de l'expression "ADN récréatif", encore une fois l'expression vient du texte des états généraux de la bio-éthique.
Ce blog est un blog de généalogie et s'intéresse donc aux données personnelles dans le cadre de la généalogie, nous ne portons pas a-priori de commentaires sur ce qui se passe dans d'autres domaines mais à titre de citoyen, on peut remarquer que les lois européennes en matière de réutilisation des données personnelles sont parmi les plus protectrices et vont encore être renforcées le 25 mai prochain par la directive RGPD.
Pour poursuivre la discussion et puisque nous ne sommes pas d'accord, pouvez-vous préciser ce qui vous a incité à contourner la loi française (qui interdit les tests ADN récréatifs) et en quoi cela vous a satisfait.
Très cordialement
5 De Guillaume - 17/05/2018, 21:26
Je vous invite à lire l'article sur Numérama qui donne le cadre juridique actuel en France de ces tests
6 De Guillaume - 21/05/2018, 20:05
Et voila le deuxième cas résolu de la même façon, cette fois ci au Canada, encore une fois avec une utilisation très limite des sites de généalogie génétique
7 De Guillaume - 28/05/2018, 20:36
Le site Big Browser a analysé ces deux cas. Dans le second les enquêteurs ont eu recours à Parabon NanoLabs, une entreprise privée missionnée pour reconstruire le profil génétique du suspect à partir de l’ADN retrouvé à l’époque du crime. Puis le génotype reconstitué a été comparé à plusieurs autres profils disponibles sur la base de données GEDmatch, qui regroupe les profils publics de différents sites de généalogie.
La mise au jour de ces nouvelles techniques d’investigation a soulevé de nombreuses questions éthiques. Dès la révélation de l’arrestation du tueur en série californien, en avril, certains utilisateurs de GEDmatch ont eu le sentiment que leur vie privée avait été violée et ont décidé de supprimer leurs profils du site, explique le New York Times. Le site GEDmatch, qui assure n’avoir pas su que la police avait utilisé sa technologie pour ses enquêtes, a répondu que ses règles d’utilisation avaient toujours été claires sur le fait que les données pouvaient être utilisées « dans d’autres buts ».
Ces problèmes éthiques dépassent le simple cas personnel. « Si vos sœurs, frères, parents ou enfants s’adonnent à cette activité en ligne, ils compromettent votre famille pour des générations » déclare la professeur de droit Erin Murphy spécialisée en recherches ADN
8 De Guillaume - 23/09/2018, 12:23
Encore un autre cas et encore une autre fois la société Parabon Nanolab. L'article de Fox35 dit que cette dernière est spécialisée dans le "phénotypage de l'ADN: le process qui permet de prédire l'apparence physique et les ancêtre à partir d'un échantillon non identifié d'ADN" (sic)
9 De Guillaume - 02/12/2018, 12:26
A lire également cet article du Monde
10 De Guillaume - 13/01/2019, 15:07
Ces cas se multiplient aux USA, un nouveau cas révélé par Paris Match
11 De Guillaume - 06/02/2019, 19:13
Le Rubicon est franchi et Family Tree DNA a signé un accord global avec le FBI d'après Kombini
12 De Guillaume - 22/06/2019, 11:08
Le premier procès suite à une de ces arrestations s'ouvre comme nous en informe Le Figaro. Les avocats de la défense ont contesté la fiabilité du profil génétique réalisé à partir de l’ADN prélevé sur la scène de crime
13 De Guillaume - 06/10/2019, 12:21
Le département de la justice américaine vient de publier des règles provisoires concernant l'utilisation des bases de données généalogiques par des enquêteurs. C'est à lire en anglais sur Engaget
14 De Guillaume - 07/11/2019, 08:48
Comme nous informe Dick Eastman sur son blog (en anglais) un juge américain vient pour la première fois de donner un mandat à un enquêteur de Floride pour avoir accès à la base génétique GedMatch (1 million de profils)
15 De Guillaume - 02/12/2019, 09:13
Un premier cas en France d'arrestation basée sur l'ADN d'un proche (en l'occurrence un demi-frère) mais uniquement en restant dans le fichier FNAEG sans interaction avec une base de données généalogique. c'est à lire sur le site de 20 minutes
16 De Guillaume - 14/12/2019, 11:43
La contestation des résultats d'analyse ADN a de beau jours devant elle depuis ce cas d'un patient ayant reçu une greffe de moelle osseuse et dont le liquide séminal ne contient plus que l'ADN du donneur. C'est à lire en français sur Trustmyscience
17 De Guillaume - 04/02/2020, 21:08
Une cour de Pennsylvanie a donné un mandat pour que la police ait accès à la base de donnée d'Ancestry, cette dernière a refusé. My Heritage de son côté a annoncé ne pas coopérer avec les autorités sur ces cas. C'est à lire sur Buzzfeed en anglais
18 De Guillaume - 05/02/2020, 19:06
De son côté Family Tree DNA assume collaborer avec les autorités, toujours en anglais sur Buzzfeed
19 De Guillaume - 01/07/2020, 18:08
L'estimation 2 ans plus tard est de 150 cas résolus par l'ADN aux USA. C'est à lire en anglais sur CBS