Dans ce nouvel opus, revenons pour cet épisode au marché de l'ADN pour particuliers, comme dit dans les commentaires de l'épisode 10, C'est un marché en expansion qui faisait 117M$ en 2017 et devrait atteindre 611M$ en 2026. Dans le même temps les couts de séquençage fondent comme neige au soleil : en 2007 il fallait 1M$ par séquençage, en 2014, il fallait 1000 $, et le PDG d'Illumina (un fabriquant de séquenceurs) pense que dans quelques années ce sera 100$, comme nous le rapporte Les Echos
Commençons par les entreprises de "généalogie génétique"
- Jusqu'à présent, la plupart des opérateurs proposaient une fois l'ADN numérisé de pouvoir procéder gratuitement à un transfert des données brutes chez un concurrent (où il fallait payer un petit supplément pour réanalyser les données et obtenir une interprétation différente !). Depuis ce 1er décembre l'un des principaux acteurs (MyHeritage) a décidé de faire payer ce transfert, ce n'est sans doute que le début d'une monétisation exacerbée. Au passage vous remarquerez que ces données brutes qui vous définissent ne sont, pour ces sociétés, pas votre propriété ! Vous trouverez une analyse complète des transferts sur le blog Genealogie-Génétique. On voit également que ces résultats sont exprimés en probabilités et sont variables dans le temps comme le montre Libération
- L'autre tendance de ces entreprises est de proposer à leurs clients une réanalyse, là aussi si par le passé c'était gratuit, ça change et comme le montre ce tweet de Juloz AncestryDNA propose des options payantes pour vous "montrer" quelles caractéristiques physiques (monosourcil, taches de rousseur, calvitie) vous avez hérité de vos ancêtres... Puisque l'ADN de votre ancêtre n'est pas analysé, c'est déjà très douteux puisque ça nie la recombinaison de l'ADN, ensuite ça ne dit pas de quel ancêtre ça vient et enfin, ça ne prend pas en compte le fait ce n'est pas parce que vous avez un gène qu'il s'exprime, comme le montre Joël de Rosnay dans son intervention sur l'épigénétique !
- L'article des Echos précité, nous apprend également qu'Ancestry a passé un partenariat avec GoAhead Tours pour créer des voyages sur mesure fonction des résultats ADN et que National Geographics fait de même. L'ADN semble être un vecteur commercial sans fin.
De nouvelles entreprises se lancent également à l'assaut de ce marché, et vous proposent de nouveaux "services"
- La compagnie Life Epigenetics, une start-up filiale du géant de l'assurance GWG prétend avoir mis au point un test permettant de prédire la mortalité et la probabilité de contracter des maladies à partir de l'expression des gènes comme nous le présente Futura-sciences. Cependant c'est biaisé, car comme le montre cet article en anglais de Science Daily, qui relate une étude de la Genetics Society of America a partir de données d'Ancestry sur 400 millions d'individus, notre longévité est liée à notre capacité à nous lier à une personne présentant certains traits identiques. D'autre part la probabilité de contracter des maladies est utilisée aux USA par des médecins peu scrupuleux pour vendre des chirurgies préventives. A cela deux biais. Ce n'est pas parce que 100% des personnes ayant un cancer partagent le même marqueur ADN, que l'ensemble des personnes ayant ce marqueur ont un cancer, et d'autre part comme dit dans l'épisode 9 il y a confusion entre probabilité et certitude (si un test de probabilité de cancer a un résultat de 14% c'est en fait un risque relatif : s’il y a 1 chance sur 1000 de l’avoir, alors ça veut juste dire que le résultat réel est de 1,14 / 1000). Je vous invite également à voir le reportage de Complément d'Enquête intitulé "ADN pour tous : miracle ou cauchemar ? ADN : la foire aux tests", c'est édifiant ! Les taux de faux-positifs atteignent 40% d'après une étude d'Ambry Genetics. Le fait que ce soient des sociétés d'assurance qui cherchent à connaître notre longévité supposée est également une tentative de biaiser le rapport de mutualisation des risques pour augmenter les profits.
- Les compagnies Nebula Genomics et Encrypgen comme le montre Dick Eastman dans deux notes de blog (1, 2), vous proposent de monétiser votre ADN en vous mettant en rapport avec des entreprises de recherche prêtes à l'acheter. En gros, elles proposent d'individualiser ce que les grosses entreprises type 23andMe font dans votre dos. Rien que pour 23andMe, leur base a été revendue à au moins trois labos Roche, Pfizer et GSK (GlaxoSmithKline) pour un montant total supérieur à 400 M$.
8 réactions
1 De Guillaume - 29/01/2019, 13:26
L'ADN devient un argument marketing pour Aeromexico qui cherche à faire venir des touristes américains au Mexique. Aeromexico offre une remise de x% aux amércains, x étant leur pourcentage d'ADN Mexicain...
Pub à voir sur Youtube
Article à lire sur DailyMail (en anglais) et sur Creapills (en français)
2 De Guillaume - 05/05/2019, 10:03
Le site DNA-Pass (ex Genealogie-Génétique) pourtant favorable aux tests ADN, titre un de ses articles de blog "Sous prétexte d’études scientifiques, les laboratoires de généalogie génétiques étrangers procèdent à une collecte d’informations personnelles potentiellement dérangeantes. Sous les airs ludiques et innocents, vous participez à la création d’une société façonnée par notre patrimoine génétique. Retour sur les étonnantes et inquiétantes enquêtes de MyHeritage."
3 De Guillaume - 22/06/2019, 11:53
La BBC a intitulé l'un de ses épisodes de la série Business Daily "qui monétise votre ADN ?".
Kathy Hibbs, la responsable juridique de 23andMe, y rejette l'idée que les clients ne comprennent pas ce à quoi ils adhèrent en agréant partager leurs données. Évidemment il y a de nombreuses petites cases pré-cochées disant que vous êtes d'accord pour partager avec votre famille, les autres généalogistes, la recherche, des tiers ... le droit est respecté mais qui les décoche ?
Kayte Spector-Bagdady, professeur assistant de l'université du Michigan, elle, s'y inquiète des monopoles de données qui se créent au profit d'industries privées comme Myriad Genomics qui a obtenu un brevet sur deux gènes associés à un risque accru de cancer du sein et des ovaires. Même si en 2013 la cour suprême américaine a déclaré ce brevet invalide, Myriad Genomics a acquis une si grosse base de données que tous les autres s'associent pour pouvoir la concurrencer. Elle souligne que la valeur des sociétés comme 23andMe, ne sont pas basées sur leur capacité à vendre des kits de prélèvement mais sur leur capacité à récolter et vendre des données. On en revient au marché biface évoqué dans l'épisode 14
4 De Guillaume - 22/06/2019, 11:59
Le cabinet KPMG publie une étude sur le marché des tests ADN. Vous verrez que ça représente beaucoup d'argent
5 De Guillaume - 04/08/2019, 12:10
Le portrait-robot génétique est désormais légalisé en Allemagne. La prédiction de l’origine bio-géographique reste interdite et à raison compte tenu de l’Histoire. C’est une uniformisation des pays européens sur cette question. A lire (en allemand) sur le site du Spiegel
6 De Guillaume - 06/08/2019, 21:07
A propos de la monétisation des données, en Angleterre, le NHS (l'équivalent de notre Sécurité Sociale) a vu la valeur de ses données calculées par un cabinet d'audit à 12 milliards d'euros, à raison de 100 livres sterling (111 euros environ). pour le dossier électronique basique d'un ou une patient(e) et de 5.600 euros pour ceux qui contiennent des données génétiques. C'est à lire sur Korii
7 De Guillaume - 31/12/2019, 12:14
Les marchands du temple de l'ADN proposent maintenant de tester l'ADN de son chat comme nous le narre Dick Eastman sur son blog !
8 De Guillaume - 11/01/2020, 10:13
23andMe a vendu des droits sur les tests ADN de ses clients pour permettre à l'entreprise pharmaceutique espagnole Almirall de développer un médicament contre les maladies inflammatoires. On voit donc une exploitation financière supplémentaire à ces données. C'est à lire en détail et en anglais sur le New Scientist et sur Slate en français