Mais admettons une certaine représentativité. 56% des personnes interrogées souhaiteraient réaliser un test ADN. Oui mais pourquoi ?

  • A 43% avoir une carte représentative des origines ethniques, ce qui pose la question de la fiabilité des tests, nous y reviendrons
  • A 26.2% avoir accès à une base de donnée permettant la recherche de cousinages, ce qui est assez classique pour des généalogistes (et qui est l'ADN de Geneanet si j'ose dire)
  • A 23.7% avoir la détermination de son haplogroupe (groupe partageant un ancêtre commun. Par exemple l'haplogroupe R1b est un haplogroupe du chromosome Y qui serait apparu il y a plus de 25 000 ans.

Revenons donc à la fiabilité des données. Éliminons les erreurs de manipulation dues à l'échange entre deux échantillons reçus en même temps par l’entreprise qui les reçoit.

Le site Genealogie-génétique nous prévient en effet que "En effectuant les tests dans plusieurs laboratoires, nous obtiendrons des résultats partiellement contradictoires. Les laboratoires de généalogie génétique s’appuient sur deux méthodes l’analyse de marqueurs spécifiques nommés AIM où l'on compare l'échantillon à une population dont on connait les caractéristiques génétiques et une méthode statistico-comparative de regroupement de personnes partageant les mêmes caractéristiques génétiques, afin de déterminer des catégories de population. ". Autrement dit dans un cas comme dans l'autre, on ne compare pas nos gènes aux gènes de nos prédécesseurs (nos ancêtres) mais à ceux de nos contemporains. Ce qui veut dire qu'un gène migratoire apporté suffisamment tôt dans une population, sera interprété comme en faisant partie (et le laboratoire n'identifiera pas l'origine migrante), exemple avec tous les descendants islandais de Hans Jonathan

Et le site Genealogie-génétique de continuer sur l'origine des échantillons : les laboratoires de généalogie génétique vont disposer des mêmes panels, fruit d’études scientifiques publiées et gratuitement disponibles, pour identifier les différentes populations :

  • Le Human Diversity Project : 1 000 individus de 51 populations
  • Le Genographic Project : Près d’1 million d’individus de 140 pays
  • Le Hapmap Project : 1 200 personnes de 11 populations
  • Le 1000 Genomes Project : 2 500 individus de 26 populations

auxquels s'ajoutent les tests déjà faits. Si on prend une moyenne pondérée sur les études scientifiques, en admettant que les 140 pays représentent 140 populations ethniquement différentes et en admettant que les tailles des groupes par pays soient les mêmes, on obtient un échantillon de 7109 personnes par population. Donc notre échantillon est comparé à 7109 autres sensés représenter un échantillon cohérent de population. Pour une population austronésienne de Vanuatu c'est très large, par contre pour une population Han de Chine, c'est très peu. Si les tailles des groupes sont proportionnels aux tailles des populations actuelles, alors le critère par exemple d'appartenance aux premières nations nord-américaines est basé sur une comparaison avec 1 ou 2 échantillons maximum... Je vous laisse poursuivre votre lecture sur le blog de Genealogie-génétique qui souligne d'autres biais et paradoxes.

L'autre paramètre à prendre en compte pour la fiabilité est relevé par une étude scientifique anglaise (non traduite) des professeurs David Balding et Mark Thomas de l'University College London. Selon eux la formulation des résultats est faite de manière vague, a partir de spéculations sur des évidences scientifiques faibles et joue sur l'effet Barnum (Forer-effect en anglais) tout comme le font les horoscopes. De cette manière les mêmes phrases peuvent être réutilisées pour de nombreux tests et chacun pensera qu'elles lui sont particulièrement adaptées. Selon eux les populations ayant de grandes différences culturelles comme les population à langue germanique ou romane n'ont aucune différence génétique notable. Les interprétations qui en sont faites sont donc largement faussées. Même si sur des populations plus isolées et moins populeuses, comme les Highlands en Écosse, on trouve quelques petites différences avec le reste de la population, il n'existe pas pour autant de gène écossais. Chaque gène particulier peut venir de plusieurs manières dans son génome, donc les commentaires qui tentent de préciser comment ce gène est arrivé ne sont que du storytelling

De tout cela on peut en retirer deux points, ni la carte des origines ethniques, ni les commentaires ne sont fiables. Et les points fiables (haplogroupes) m’emmèneront sur des ancêtres communs il y a des dizaines de millier d'années.

Reste donc les bases de données de cousinage. Si le généalogiste que je suis en comprend l'intérêt, il se pose quand même des questions. Ce genre de tests peut modifier du tout au tout une fratrie mais l'on peut aisément comprendre la douleur des nés sous X pour lesquels les droits d'oubli et d'abandon des géniteurs ont prévalu sur le droit de l'enfant à une identité comme le souligne Jean-Pierre Rosenczveig sur son blog. Le problème se situe plus d'une part dans le détournement des tests à d'autres fins (police, assurance, santé, racisme) comme nous l'avons montré dans les opus VI et VII mais également dans le mariage qui se profile avec les réseaux sociaux

En conclusion, à mon sens ces entreprises de généalogie génétique cherchent surtout à gonfler l'ego du gogo, et il convient de ne pas leur confier notre identité