Tout d'abord je m'étonne de la forme qu'à pris cette audition qui n'a pas été contradictoire. Seuls des partisans farouches (DNA-Pass, Geneanet, Filae) ont été audités, la FFG elle ne s'est jamais positionnée ouvertement pour ou contre, reflétant là sans doute la diversité des opinions qui la traverse. Aucun généticien n'a été invité, aucun spécialiste en cybersécurité... c'est comme si les intérêts économiques prévalaient sur les intérêts de la société (ne pas entrer dans l'ère de l'eugénisme ou de la surveillance constante par exemple). On trouvera un résumé de cette audition sur le site de DNA-Pass ainsi que sur le blog de la FFG.

Ensuite on peut y remarquer une magnifique démonstration de la fenêtre d'Overton. Ce concept développé par le lobbyiste américain Joseph P. Overton (1960-2003) montre qu'une idée publique comprend une gradation d'acceptabilité au regard de l'opinion publique, qu'à un moment donné une idée est dans une fenêtre de quelques degrés d'acceptation et que le travail des lobbyistes est de bouger ou écarter la fenêtre pour qu'une idée devienne acceptable. Les degrés d'acceptation sont Impensable - Radical - Acceptable - Raisonnable - Populaire - Politique. Les médias, en tant qu'acteurs influents de l'opinion publique, sont susceptibles d'être un outil de la modification de cette fenêtre. On peut remarquer à ce sujet la multiplication des émissions de télévision ayant fait passer un test à leurs journalistes, ayant insisté également sur les belles histoires de retrouvailles familiales. Il y en a eu beaucoup moins pour montrer les dérives (par exemple médicales ou d'assurances) ou encore montrer les personnes désespérées par des résultats montrant un NPE (Not the Parent Expected). Aux USA de nombreux groupes de soutiens au NPE se sont montés, ainsi que des psychothérapies spécialisées.

Il est d'ailleurs frappant de voir ce qui se passe aux USA, où le marché des tests ADN existe depuis quelques années. Si vous les suivez régulièrement vous connaissez leur attrait pour la chose juridique à peu près aussi fort que le nôtre. Un homme qui s'est aperçu qu'il n'était pas le père de sa fille se demande donc s'il peut exiger une pension alimentaire du géniteur. Pour l'instant pas encore de procès mais ce n'est sans doute qu'une question de temps. L'autre conséquence logique est, je pense, qu'une prochaine étape sera au niveau des successions où il sera reproché à un exécuteur testamentaire de ne pas avoir cherché les enfants illégitimes potentiels via une banque de données ADN.

Aux USA également le Pentagone a demandé dans un mémo interne révélé par Yahoo News à ses personnels de s'abstenir de faire des tests génétiques et souligne qu'exposer des informations génétiques sensibles à des tierces parties pose des risques personnels et opérationnels aux membres du service. Ce mémo pointe aussi que certaines entreprises vendant ces kits ADN ont ciblés les employés du Pentagone en leur proposant des prix attractifs. Je vous passe les aspects purement militaires, mais ce mémo pointe en particulier les dangers déjà évoqués ici d'informations médicales imprécises ou erronées, ainsi que la faille de sécurité concernant les identifications par biométrie. Il souligne également que les bases de donnée ADN sont un élément qui mène à la disparition de la notion d'anonymat. Le mémo pointe encore le fait qu'il existe une crainte croissante dans la communauté scientifique que des acteurs externes puissent exploiter les données génétiques pour des raisons questionnables comme la surveillance de masse et la possibilité de suivre des individus sans leur autorisation ou leur connaissance préalable.

Est-ce réellement le monde dans lequel il est souhaitable que nous allions ?