Tout d'abord il est urgent de réagir, la consultation n'est ouverte que jusqu'au 7 juillet, il nous reste 2 jours pour nous exprimer si nous ne voulons pas réagir forclos (et donc exprimer un point de vue qui ne peut être pris en compte) comme pour le livre vert de la commission européenne sur le Droit d'Auteur dans l'économie de la connaissance. Encore une fois, il est dommage que la communauté généalogique ne se soit pas emparée plus tôt du dossier, cela souligne la nécessité d'un organisme de veille sur les rapports officiels au sein de la Fédération Française de Généalogie comme souligné ici même l'an dernier

Revenons à notre consultation publique, au milieu des 4 sujets abordés (Développement de l’informatique en nuage (cloud computing), Numérisation et valorisation des contenus culturels, éducatifs et scientifiques, Développement des technologies de base du numériques, Développement des nouveaux usages numériques) seul le second s'adresse de prime abord à nous. 13 questions nous sont posées et nous sommes invités à y répondre par mail à investissement.numerique@pm.gouv.fr

  • Q 3.1 : D’autres types de contenus patrimoniaux que ceux évoqués en introduction vous semblent-ils susceptibles d’être numérisés et valorisés ?
  • Q 3.2 : Des contenus publics déjà numériques vous paraissent-ils susceptibles d’être mieux valorisés ?
  • Q 3.3 : Voyez-vous une ou des technologie(s) à privilégier pour la numérisation des contenus patrimoniaux ? Pour ces technologies, un soutien à l’innovation serait-il de nature à modifier de manière significative l’économie de la numérisation des contenus concernés ?
  • Q 3.4 : Dans une logique de création d’activité économique, quels types de contenus devraient être numérisés en priorité, et pourquoi ? Indiquez des critères quantitatifs (taille de marché potentiel, volumétrie des fonds…) et/ou qualitatifs (enjeux stratégiques pour le secteur public, secteurs d’activités…)
  • Q 3.5 : Quelles technologies vous paraissent essentielles à la concrétisation des usages que vous imaginez pour valoriser les contenus patrimoniaux numériques ?
  • Q 3.6 : Quelles sont, selon vous, les technologies sur lesquelles un manque de concurrence présente un risque ?
  • Q 3.7 : Quels seraient les projets structurants concernant la numérisation du patrimoine ?
  • Q 3.8 : La création de structures ad hoc détenant les droits d’exploitations du patrimoine numérisé vous paraît elle une solution adaptée ? Comment estimer la valeur de l’apport en nature des détenteurs de fonds patrimoniaux à une telle structure ?
  • Q 3.9 : D’autres types de prises de participation vous sembleraient-elles pouvoir/devoir être envisagées ?
  • Q 3.10 : Pour les contenus que vous connaissez, quels modèles économiques vous semblent présenter les potentiels de valorisation les plus importants, et pourquoi ? Quels sont les acteurs types intervenant dans de tels modèles ?
  • Q 3.11 : Quels projets vous semblent avoir le plus d’impact sur la création d’emplois pérennes ? Sur le développement de PME ?
  • Q 3.12 : La création d’infrastructures mutualisées vous semble-t-elle nécessaire pour optimiser les modèles économiques ; si oui sur quels équipements / services doivent porter ces plateformes ?
  • Q 3.13 : A rémunération équivalente des ayants-droit, un modèle particulier de gestion des droits vous semble-t-il susceptible de simplifier à la fois la valorisation par un tiers et le développement de services exploitant une variété de contenus numérisés ?

Tout d'abord il faut constater que ces questions sont très orientées (si ce n'est exclusivement) sur l'aspect économique que peut prendre cet investissement. Comme souligné par Christian Fauré sur son blog (une des rares réactions publiques à cette consultation) :"Au départ, c’étaient 750 millions qui devaient être alloués aux institutions pour qu’elles puisse poursuivre et accélérer les projets de numérisation ; au final ce ne sont plus que des montants de prêts (donc remboursable avec intérêts) pour favoriser la mise en place d’une filière industrielle du numérique, basée sur des partenariats publics/privés." C'est bien là que le débat est faussé à mon sens, on cherche une rentabilité au lieu d'avoir une véritable politique culturelle (imaginez le prix que vous devriez payer pour l'accès au Louvre si c'était fonction du prix d'assurance des œuvres exposées, divisé par le nombre de visiteurs annuels)

Très justement Christian Fauré souligne cette contradiction qui va opposer jusqu'au ministères de la Culture et du Budget. Néanmoins il prend pour hypothèse que la rentabilité peut être atteinte et examine les différentes pistes. Il élimine la rentabilité via la publicité constatant que "les arguments basés sur la valorisation via un modèle d’affaire fondé sur la publicité ne tiennent pas la route, encore moins quand l’on sait que la valeur publicitaire sur le web, comme l’avait écrit Tim O’Reilly dès 2007, tend à se diluer très fortement. C’est la raison pour laquelle Google doit indexer toujours plus de contenus, nativement numériques ou à numériser, pour amortir la baisse tendancielle de la valeur unitaire et nominale de la publicité." et nous le rejoignons sur ce sujet.

Deuxième piste de rentabilité évoquée par Christian Fauré, la reproduction à la demande. C'est un point sur lequel notre analyse diverge. En effet il montre qu'il faut que la bibliothèque numérique quitte le giron exclusif de la BnF pour avoir le statut d’un établissement public-privé dans lequel l’ensemble de plate-forme technologique sera possédée et gérée par le consortium privé investissant dans la filière numérique. La direction éditoriale devant être partagée entre privé (qui imposera la numérisation d'ouvrages rentables) et public (d'ouvrages intéressants pour d'autres raisons), chacun ayant des quotas pour équilibrer la chose. La rentabilité viendrait de l'impression en fac-similé à la demande des ouvrages. C'est méconnaître que ça existe déjà et je pense qu'atteindre la rentabilité n'est pas possible. D'une part la lecture sur écran tend à se banaliser et d'autre part l'intérêt du numérique est la dématérialisation qui favorise l'échange, le travail collaboratif ou encore le travail en modification. Vouloir revenir au papier est à mon avis une notion périmée. De plus cela imposerait pour garder la machine à cash en ordre de monopoliser la diffusion numérique. Seul Gallica serait en droit de détenir un fichier numérique imprimable, c'est créer des droits sur du domaine public, nous n'y sommes pas du tout favorables.

Troisième piste, les métadonnées. Fort justement Christian Fauré relève que les métadonnées ont plus de valeur que les données. En effet l'indexation au mot comme le fait Google devient à la portée de tous. Ce qui est intéressant c'est la métadonnée sémantique, qui fait que lorsque je cherche sur le mot "peinture" on me propose des résultats "art naïf" ou "nature morte". Là il y a sans doute une piste de rentabilité, mais comme évoqué dans le billet précédent, nous serons vigilants à ce que cette possibilité ne se fasse pas au détriment des associations ou des généalogistes.