FranceGenWeb n'a d'ailleurs pas été la seule à réagir, l'Appel pour une Généalogie Libre a fait un article, la FFG a publié un article au titre inquiétant :"La généalogie associative est-elle condamnée ?", les magazines web ECO89 et Marianne2 ont diffusé l'information au grand public et même les parlementaires s'en sont inquiétés !

Il faut dire que le sujet est complexe et que comme souvent des amalgames sont réalisés dans ces articles, par moi le premier. Aussi pour être précis, il faudrait distinguer la numérisation, la diffusion par le net et le dépouillement.

La numérisation doit, pour nous, être définie par des objectifs de conservation et de diffusion définis par les archivistes. Si des objectifs de rentabilité (courants dans le monde industriel) sont introduits, on risque de voir passer en priorité des documents bien conservés au détriment de documents dont la numérisation est une des rares chances de survie. Cela ne nous semble pas être opportun. De plus, perdant de leur liberté éditoriale, les conseils généraux risquent de se désintéresser totalement de la diffusion.

La diffusion et surtout sa merchandisation systématique est bien le 2e enjeu.
- Tel département qui a déjà numérisé et mis en ligne en accès gratuit, devant l'obligation qui lui serait faite de céder ses Téraoctets d'images aux entreprises qui en feraient la demande ne risque-t-il pas de se dire qu'il y a potentiellement gain à confier la diffusion à ces entreprises car le conseil général éviterait les coûts récurrents de maintenance du serveur voire peut conclure un partenariat qui conduirait cette entreprise (qui elle mettrait en place un accès payant) à lui reverser des royalties...
- Tel autre département qui a déjà numérisé et mis en ligne en accès payant, se trouvant devoir alimenter des concurrents potentiels, risque de passer lui aussi au partenariat évoqué ci-dessus
- Tel autre département qui a déjà numérisé mais pas mis en ligne, risque également de se trouver attiré par ce genre de partenariat pour ne pas avoir à supporter les coûts de diffusion
- Enfin tel département qui n'a rien numérisé ne serait-il pas tenté de confier la diffusion à l'entreprise qui lui aurait numérisé son patrimoine ?

Il y a là et c'est ce que voulait rappeler l'article précédent un grave danger de voir se développer un accès payant aux images, ce à quoi nous somme farouchement opposés. Bien sûr tout ceci n'est qu'hypothèses (néanmoins réalistes) et rien ne serait instantané ni uniforme alors que les conseils généraux sont divisés sur la conduite à tenir. Les entreprises qui auront récupéré des centaines de Téraoctets n'auront peut être également pas l'envie ni la puissance financière et technique de diffuser d'aussi énormes volumes de données.

Enfin il reste le dépouillement. Les archives n'ont pas été mises sous licence Creative Commons même de facto comme le site de l'assemblée nationale, il est donc parfaitement légal que des entreprises publient des dépouillements réalisés par leurs soins. Cela leur permettra surement de compléter la couverture géographique partielle déjà obtenue par des accords de diffusion avec tel ou tel cercle. Très probablement ces entreprises sous-traiteront dans des pays francophones à faible cout de main d'œuvre le dépouillement d'images correspondant à des territoires où elles n'ont pu conclure d'accord avec les cercles locaux.
Le premier souci est la fiabilité du dépouillement, les derniers exemples en date tel que le Livre foncier alsaco-mosellan (du Gothique Allemand du XXe siècle transcrit par des Malgaches) ne sont pas des gages de qualité...
Là où le bas blesse c'est qu'il est illégal pour une association de faire concurrence déloyale à une entreprise et qu'il serait alors facile à une entreprise d'attaquer une association sur la base des articles 1382 et 1383 du code civil. L'entreprise devra démontrer la réalité du dommage à son activité (baisse du chiffre d’affaires par exemple) et le lien de causalité entre l’activité de cette association et la baisse du chiffre d’affaires en résultant pour son entreprise. Le scénario du pire serait la contrainte pour les associations de conclure des partenariats avec toutes les entreprises du secteur qui le demanderaient pour une diffusion de leurs relevés sous le risque de se voir attaquer par elles pour concurrence déloyale si elles continuent leur diffusion gratuite, autonome voire exclusive avec un concurrent... Ca risque de fusiller toute volonté de bénévolat dans le secteur

On est là évidement dans de la fiction mais si je prends la peine de tordre le cou à tous ces fantasmes c'est pour qu'ils ne deviennent pas réalité.