En effet l'auteur y développe une thèse que l'on peut résumer ainsi. Le temps libre peut être occupé par trois types de loisirs. Le loisir social dit aristocratique qui consiste à échanger avec ses amis, le loisir studieux dit skholè en grec ou otium en latin qui permet de s'améliorer et enfin le loisir de divertissement qui apporte juste de la détente et sur lequel les entreprises commerciales prennent la main. Ces trois loisirs sont complémentaires et l'auteur propose un équilibre d'un tiers pour chaque. Son constat est néanmoins que la part du divertissement augmente ces dernières années, grignotant sur le temps que l'on consacre aux deux autres.

Il nous montre également qu'un même loisir peut s'exprimer dans les trois catégories, si on l'applique à la généalogie, il nous est possible de parler de généalogie avec d'autres (par exemple dans le cadre d'un salon ou d'un congrès dédié), il nous est possible de le pratiquer en skholè en faisant nos recherches dans les documents originaux, en améliorant notre connaissance historique ou notre capacité à déchiffrer la paléographie et enfin il nous est possible de le considérer comme un divertissement en consommant de la généalogie toute faite dans les sites de généalogie commerciale.

Il nous fait remarquer que consommer et consumer ont la même racine et donc que la consommation de loisirs n'apporte rien. Comme le dit Hannah Arendt dans "La crise de la culture" la société de masse ne veut pas de la culture mais les loisirs et les articles offerts par l'industrie des loisirs sont bel et bien consommés par la société comme les autres objets de consommation. Si l'on applique à notre cas, la généalogie sort alors du domaine culturel pour entrer dans le divertissement. Annah Arendt continue en disant que l'attitude de la consommation implique la ruine de tout ce qu'elle touche.

Le divertissement a un rapport au temps différent, basé sur l'immédiateté. Comme le dit Paul Valéry, nous ne supportons plus la durée, nous ne savons plus féconder l'ennui. En comparant la "skholè" et le divertissement, Olivier Babeau trouve 9 différences fondamentales : le plaisir (différé vs. immédiat), le maître mot (épargne vs. consommation), l'attitude (active vs. passive), la logique de l'activité (praxis vs. poïesis), le rapport à l'apprentissage (pratique cumulative où l'habileté progresse vs. aucune progression identifiable), le rapport au temps (enrichit durablement les connaissance vs. n'apprend rien ou presque), l'apport à l'individu (contribue à la construction de soi vs. contribue à l'oubli de soi), l'effet (porte hors de soi vs. renvoi au soi en miroir), le rapport à l'effort (loi de l'effort maximum vs. loi du moindre effort) et enfin le mécanisme biologique (activation de la sérotonine vs. activation de la dopamine). N'hésitez pas à vous référer à son livre pour plus de détails.

Alors êtes vous prêts à ré-équilibrer vos loisirs, à moins consommer et à plus faire de skolè, d'otium ?