L'interview d'Hervé Le Crosnier, maître de conférence à l’Université de Caen, attaché au laboratoire GREYC (Groupe de recherche en informatique, image, automatique et instrumentation de Caen), commence par ce rappel historique de la notion de bien commun. Les généalogistes qui ont déjà fait des recherches en Suisse rapprocheront ces droits de la bourgeoisie suisse. Hervé Le Crosnier est l'un des promoteurs de l'accès non marchand à la connaissance.

Puis il insiste sur l'aspect actuel de cette notion "Avec le développement d’internet, les connaissances, la culture, le réseau numérique lui-même peuvent être pensés comme des Communs, partagés par les usagers. On y retrouve l’idée centrale d’un accord entre le libre accès aux ressources communes et des règles de gestion communautaires pour assurer la permanence d’un travail coopératif.... En 2003 James Boyle, un professeur de droit américain spécialiste de la propriété intellectuelle, dénonce les « nouvelles enclosures » qui les menacent. Ces barrières prennent des formes multiples : renforcement de la propriété intellectuelle (DMCA aux États-Unis, DADVSI en France), verrous numériques (DRM) et protection juridique de ces verrous (les faire sauter devient un délit), brevets sur les logiciels ou brevets sur les inventions. La vulnérabilité des Communs de la connaissance tient également au risque dit du « passager clandestin » : il suffit que quelqu’un vienne et s’approprie ce bien commun engendré par le travail coopératif de milliers de personnes pour qu’elles en soient dépossédées au profit d’un monopole. Ce qui met en jeu la capacité des communautés à garantir l’accès aux biens communs qu’elles ont produits.... Ce sont les mouvements sociaux du numérique qui créent en 2001 les Creative commons en réponse aux nouvelles enclosures, et Elinor Ostrom et Charlotte Hess qui commencent à travailler sur l’idée que la connaissance peut être considérée comme un bien commun (Understanding Knowledge as a Commons, 2007)."

Il aborde ensuite la notion de gratuité et de don "Raisonner à partir de la gratuité, c’est prendre le problème du point de vue du consommateur. La production, elle, n’est jamais gratuite. L’école, par exemple, n’est pas gratuite. Il y a un modèle économique derrière : l’État qui prélève l’impôt et décide d’en affecter une partie à l’éducation. La question n’est donc pas : est-ce que c’est gratuit ?, mais : comment la production est-elle financée ? La gratuité peut aussi s’inscrire dans une stratégie de don/contre-don. La gratuité, c’est le petit bout de la lorgnette. En même temps, ce bout n’est pas si petit que ça : s’il avait fallu payer pour internet, le réseau que nous connaissons n’aurait jamais existé. La gratuité n’est donc pas sans effet, c’est en effet ce que montre Yann Moulier-Boutang dans Le Capitalisme cognitif : la gratuité engendre des externalités positives. C’est certain. Mais à ne voir que cet aspect, on risque de perdre la capacité de trouver un mode de gouvernance des biens communs de la connaissance. Car la volonté des entreprises de marchandiser ce que d’autres ont donné est réelle. Google Books illustre parfaitement ce phénomène : quand l’entreprise s’approprie le contenu des bibliothèques — qui constituent une forme de biens communs, au sens où elles ne proposent pas seulement des livres, mais aussi une gouvernance collective de l’accès aux livres —, numérise ce contenu et ajoute de la publicité autour du texte, ce n’est plus une bibliothèque, c’est une librairie. "

Dans son combat pour les biens communs et l'importance du don il est rejoint aujourd'hui par le philosophe Edgar Morin que je vous invite à découvrir en vidéo


Appel d'Edgar Morin pour les biens communs

Dites nous dans les commentaires comment tout ceci impacte votre vision de l'accès aux archives, aux bases de données, aux ressources généalogiques.