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LES
DEBUTS DU REPEUPLEMENT A LA FIN DU XVII° SIECLE
LES
EFFORTS DE REPEUPLEMENT AU DEBUT DU XVIII° SIECLE
BILAN DES DESTRUCTIONS L'apogée du peuplement se situe, dans les duchés de Lorraine et de Bar aussi bien que dans les Irois Evêchés, vers 1580 ; mais le coup d'arrêt à l'expansion entre 1580 et 1600 est moins fortement ressenti que dans le royaume de France. La thèse de doctorat, soutenue par Marie-José LAPERCHE-FOURNEL sur "Le peuplement du duché de Lorraine de 1580 à l720" et fondée sur une exploitation systématique des comptes fiscaux et des visites des paroisses, permet de mesurer le niveau démographique vers 1600 et l'ampleur de la catastrophe qui s'ensuivit. A la première date, la densité d'occupation en milieu rural est de 17 à 18 habitants par kilomètre carré, avec des différences microrégionales marquées (ex: au centre 28 à 30 habitants, à l'est, 11 à 12, à l'extrême nord-est, 6 à 7% seulement) ; les villages comptent en moyenne 150 à 200 habitants ; les 3/4 des villages du duché de Lorraine ont moins de 210/225 habitants ; le taux d'urbanisation est faible : avec les villes, le duché compte 22 habitants au km2. Le pays est donc relativement peu peuplé et peu urbanisé en comparaison avec la plupart des provinces françaises.
Nancy a 16 000 habitants en 1628 : Metz, 19 000 sans la garnison.
La guerre de trente ans et surtout les épidémies de peste bubonique et de typhus, qui l'accompagnent, provoquent la plus grande catastrophe économique et démographique de l'histoire de la Lorraine. Les sources manquent pour l'examen du creux de la vague vers 1650-1655; elles permettent par contre de voir la situation en 1668, c'est-à-dire après le début du redécollage. La densité en milieu rural est passée de 17/18 à 7 habitants au km2 ; La taille moyenne des villages tombe de 150-200 à 60 habitants. D'une manière globale, la perte démographique est de 60% (pour environ 50% en Alsace, 30 à 40% en Champagne, orientale surtout). Mais la chute est inégale : relativement movenne vers le sud (office d' Arches : 42% ) considérable au nord et au nord-est (office de Bitche 80%; office de Sierck : 87%). Sans nul doute, le bailliage d'Allemagne est le plus gravement touché.
La population de Nancy est tombée de 16 000 à environ 5 000 en 1656. Metz moins fortement atteinte a 15 000 habitants en 1637, mais décline encore dans les années suivantes dans une proportion mal connue.
LES DEBUTS DU REPEUPLEMENT A LA FIN DU XVII° SIECLE Malgré de grandes difficultés, la restauration économique et démographique est tentée à partir de 1660 environ. Elle est le fait aussi bien du duc Charles IV, revenu à la tête de ses états de 1661 à 1670, que du roi de France, soucieux de remettre en état un pays dont il compte devenir définitivement le maître.
Parmi les mesures, destinées à relancer les activités de sa capitale, Charles IV apporte un large soutien aux manufactures : draps à la façon d'Angleterre création en 1664), soieries etc. Les artisans, qui s'installeraient dans la ville, bénéficieraient de la dispense du droit de bourgeoisie (c'est à dire d'entrée dans la ville), des impôts pendant six ans, du logement des militaires, et même du chef-d'oeuvre habituellement requis (1665-1668). Celui qui restaurerait une maison ruinée ou en construirait une nouvelle serait dispensé des charges fiscales sa vie durant. Par ailleurs deux nouveaux marchés sont ouverts dans la Ville-Vieille. Ces mesures portent effet, mais Nancy ne retrouve pas sa population antérieure (elle ne dépasse que de peu 10 000 habitants).
L'économie rurale a été totalement désorganisée : terres retournées en friches ou en forêts; confusions des parcelles, des soles et des bans; endettement des particuliers et des communautés d'habitants; désertion de certains villages; seigneuries tombées en déshérence, etc. Charles IV exige une déclaration des biens vacants avec procès-verbal des témoignages des plus anciens habitants (1664). Louis XIV légifère entre 1671 et 1698 par l'intermédiaire du Parlement de Metz et entame une politique de remembrement c'est-à-dire de remise à l'état ancien des droits et propriétés : c'est le cas à Eblange (1683),à Filstroff (1692), Boulay (1696), etc. On s'efforce donc de rétablir les structures traditionnelles.
Déjà il a été fait appel à l'immigration. Dés 1663 on note la présence de colons originaires de Picardie et du Vermandois, en particulier autour de Dieuze et Lorquin. L'intendant français Marc-Antoine Turgot évoque en 1697 l'exemption fiscale de douze années "ce qui attira de nombreux Picards du Laonnais, du Soissonnais et du Valois, lesquels étant laborieux se sont retirés en ces pays-ci où ils forment des commencements de villages et agrandissent leurs bans dans les bois par défrichements". Incontestablement le redressement démographique est sérieusement amorcé au cours du dernier tiers du XVII° siècle : pour 18 villages de l'office de Bitche, 114 conduits (ou feux) en 1677 et 215 en 1700. Mais il y a des différences locales importantes dues notamment à leur état originel et à une immigration plus ou moins diffuse. Partout on relève une augmentation de
La nuptialité et de la natalité.
Metz -où en 1679 il faut loger 13 000 fantassins et cavaliers- a 21 939 habitants dont 4341 calvinistes et 795 juifs. Une forte immigration venue des autres évêchés, de France et de l'étranger contribue à élever la nuptialité : en moyenne 160 mariages par an en 1650-1659; 252 en 1670-1679. La révocation de
l'édit de Nantes perturbe gravement la situation démographique : 3 000 réformés quittent Metz et les villages avoisinants, dont 60% gagnent Berlin. Dès 1686, Metz a moins de 20 000 habitants.
LES EFFORTS DE REPEUPLEMENT AU DEBUT DU XVIII° SIECLE Avant même le retour effectif de Léopold, des mesures sont prises pour re-lancer l'économie : le 2 avril 1698, assouplissement du carcan corporatif "dans un temps où le bien du service de Sadite Altesse veut au contraire
que l'on aplanisse toutes les difficultés et que l'on se serve de toutes les voyes raisonnables pour repeupler ses états" ; et facilités accordées aux jeunes mariés et aux étrangers voulant s'établir dans les duchés. De plus, exemptions fiscales pour les laboureurs et manouvriers étrangers qui rétabliraient ou construiraient des
maisons. C'est, en somme, continuer la politique de Charles IV et Louis XIV.
Quelques mois plus tard un effort particulier est fait pour le baillage d'Allemagne "où il se trouve grand nombre de lieux abandonnés et la plus grande partie des héritages en friche et sans cultures" (ordonnance du 10 octobre 1698..)
Les diverses dispositions de cette mesure sont étendues, le 14 septembre 1709 l'ensembles des duchés. Par ailleurs, de nouveaux "remembrements" sont effectués et quelques villages créés ( Felsberg et Neu-Forweiler près de Sarrelouis) ou recréés (Mouacourt à une dixaine de kilomètres de Lunéville).
On connait mal les circuits d'information et le bilan exact de l'immigration.
Les sources fiscales sont naturellement discrètes puisque les nouveaux arrivants sont exemptés pour un temps. Reste surtout les actes de mariage, mais y échappent célibataires et gens antérieurement mariés. On ne sait donc pas bien avec précision s'il y a eu ici ou 1à immigration pratiquée en solitaire ou en famille.
Néanmoins il est possible de cerner le profil de l'immigrant moyen. I1 est catholique, ce qui est conforme à la tradition de la Lorraine, terre classique du catholicisme intransigeant. Viennent plus d'hommes que de femmes, dans la mesure ou l'on pressent que l'immigrant est en général célibataire. I1 vient de régions traditionnellement exportatrices d'hommes : c'est-à-dire les pays de montagne : Savoie, Suisse, Dauphiné, Tyrol. I1 faut y ajouter les pays au nord de Paris (Picardie surtout), phénomène répondant à une situation économique difficile dont il conviendrait de connaitre la nature et l'importance. L'immigrant moyen est de condition modeste, mais il n'est pas forcément pauvre : ce peut être l'exploitant non-propriétaire du Bassin parisien. Prioritairement, c'est un rural ou un artisan : de Savoie et du Dauphiné viennent des "défricheurs" ou "arracheurs de hayes", des vignerons ; de Suisse, des bergers, des marcaires, des hardiers de vaches ; du Tyrol, des maçons, des charpentiers, des couvreurs en somme des hommes de la terre et des ouvriers du bâtiment.
Reste le problème linguistique. Naturellement vont vers la Lorraine francophone les Français du Bassin parisien, du Dauphiné de la Savoie ou de la Suisse romande ; alors que les Suisses alémaniques ou les Tyroliens rejoignent la Lorraine germanaphone. Cependant la répartition est moins nette qu'on pourrait attendre. Quoiqu'il en soit l'immuable frontière des langues, qui traverse le pays, n'a guère été affectée par le phénomène de l'immigration : peut-être une très lègère modification -d'ailleurs controversée- dans la région de Dieuze.
Dans ce domaine l'apport fourni par les recherches généalogiques peut être d'un intérêt tout à fait primordial.
Guy CABOURDIN
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