Tout d'abord, commençons par un aspect photographique : la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) a jugé dans l'un de ses arrêtés (qui fait jurisprudence) que la reproduction sur un site internet d'une photographie librement accessible sur un autre site nécessitait une nouvelle autorisation préalable de son auteur ! La justification avancée par la CJUE est que chaque nouvelle mise en ligne nécessite une nouvelle autorisation car une nouvelle publication touche un public nouveau... On peut se demander si ce n'est pas un arrêt de mort pour les réseaux sociaux. Le contentieux original opposait un photographe Dirk Renckhoff qui avait autorisé un site de voyage à publier une de ses photos de Cordoue. Une lycéenne l'avait réutilisée pour illustrer un exposé qui s'est retrouvé sur le site web du lycée... Ce qui me parait incroyable c'est que l'architecture de la vieille ville de Cordoue n'a jamais été concernée par les droits d'auteurs mais que le droit actuel permet aux photographes de détenir un droit voisin. Plus de détails sur le site de Science & Avenir

Continuons avec la photographie et le cinéma pour encore une fois illustrer un côté contre-intuitif. Le tournage du film "A bout de souffle" de Jean-Luc Godard en 1959 a été suivi par le photographe Raymond Cauchetier. Alors que le réalisateur est favorable à l'utilisation des images de son film pour illustrer des sites web (il déclarait à ce propos aux Inrockuptibles en 2010 «Un auteur n’a aucun droit. Je n’ai aucun droit. Je n’ai que des devoirs»), le photographe de tournage, lui, a attaqué un webzine qui avait utilisé ses images pour illustrer une critique du film. Plus de détails sur le site de Libération

Évoquons maintenant le monde des livres avec les batailles juridiques autour de l’œuvre d'Antoine de Saint-Exupéry. Le Petit Prince publié en 1943 à New-York puis en 1945 à Paris, n'a rien rapporté à son auteur mort en 1944 mais ses héritiers et son éditeur se remplissent les poches depuis lors. Il se vent en effet 30 millions d'exemplaires de ce livre chaque année. Ces héritiers sont pour moitié l'ancien secrétaire de Consuelo : José Martinez Fructuoso (qui a aussi hérité de lettres, cahiers de notes, papiers divers et manuscrits) et pour l'autre moitié ses quatre neveux (qui détiennent aussi l’intégralité du droit moral, le droit d'autoriser de nouvelles exploitations de l’œuvre ou de faire des produits dérivés). L'ancien secrétaire a publié conjointement avec Alain Vircondelet un livre "Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry, un amour de légende" qui l'a amené a publié des 51 lettres d'Antoine que la justice a considéré comme des œuvres originales relevant du droit moral détenu par les autres héritiers. C'est allé jusqu'en cour de cassation. Je vous invite à lire les développements sur le site de Livreshebdo ici et

Pour terminer parlons de l’Open Library, un projet du site Internet Archive. Cette bibliothèque en ligne qui a numérisé 2.7 millions de livres (dont quelques centaines de francophones) permet aux internautes de télécharger ou d’emprunter des ouvrages numériques gratuitement. La SOA (Society of Authors) une association britannique d'auteurs a attaqué sur son site l'Open Library pour violation de copyright, puis c'est l'association des écrivains de science-fiction et de fantasy des Etats-Unis (SFWA) de faire de même mais pour l'instant apparemment sans procès. L'Open Library exploite pourtant plusieurs particularité de la loi américaine sur le droit d'auteur comme la clause qui autorise la reproduction de travaux sous copyright dès lors qu’ils sont épuisés et ne sont pas disponibles à un prix raisonnable. Elle a également mis en place un système de prêt unique qui oblige l'internaute voulant accéder à un ouvrage déjà en prêt a attendre que le livre numérique soit rendu pour pouvoir l'emprunter. C'est à lire sur le site du Monde