En fait il existait déjà de nombreux monuments aux morts dans Paris même si aucun n'était complet et nominatif. Il suffit de regarder sur Memorial pour s'en convaincre. La Croix qui a consacré un long article à ce sujet, va jusqu'à prétendre qu'il n'y en avait "aucun construit sur la voie publique comme c’est le cas dans les autres communes" ce qui est évidemment faux, retour à la liste pour s'en convaincre. Le site de la mairie fournis également une carte des lieux de mémoire de la capitale, là aussi à comparer avec la liste de Memorial

Le site "monument virtuel" recense donc les parisiens morts pour la France a partir des listes des livres d'or rédigés après la guerre. Ainsi 96.979 noms y sont recensés mais le chiffre a été ramené à environ 93 000 noms, une fois les doublons éliminés. Ce nombre augmentera au fil des recoupements des différentes sources et va sans doute dépasser les 95.000 victimes sachant que le livre d'or du 3e arrondissement a disparu. La tâche énorme de dresser cette liste a été réalisé par une équipe du Centre d‘Histoire Sociale du 20e siècle de l’université Paris 1, dirigée par le professeur Jean-Louis Robert.

L’exhaustivité de ces livres d'or est aussi sujette à caution comme nous le rappelle le blog En Envor. :"En effet, contrairement à ce que l’on peut bien croire aujourd’hui, la mobilité de la population française est une réalité sensible à la veille de la Grande Guerre et les archives regorgent de cas d’individus partis pour quelques mois à Paris," sans parler des erreurs ou omissions qui ont pu être glissées dans le travail de rédaction des livres d'or de l'époque (il n'y a qu'à voir celui sur les monuments aux morts qui donne lieu encore de nos jours à des rectifications)

Enfin le caractère collaboratif ou non de ce site est sujet à question. En Envor comme la Revue Française de Généalogie nous rappellent que les concepteurs de ce site n’hésitent pas à affirmer que « la liste des noms présentée dans ce monument virtuel, dressée à partir des livres d’or, doit donc être considérée, au même titre que les monuments aux morts, comme un document historique complexe qui n’a pas vocation à être modifié ». Comme rappelé au précédent paragraphe cette vision étriquée méconnait la réalité : dans nos news nous avons annoncé au moins 26 ajouts de noms sur des monuments du territoire national entre 2008 et 2014.

Cette actualité est également l'occasion de parler d'une analyse fine de la loi n° 2012-273 du 28 février 2012. D'après l'article 2 de ce texte, tous les défunts bénéficiant de la mention "Mort pour la France" sur leur acte de décès doivent figurer sur le monument aux morts de leur commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument. On peut donc en déduire que les monuments "sans noms" deviennent par nature illégaux... L'article 2, de cette loi en partie abrogée, a été transformée en ordonnance (celle n°2015-1781 du 28 décembre 2015) et est donc bien applicable. La Revue Française de Généalogie attire notre attention sur les querelles byzantines qui ne manqueront pas de surgir de ce texte !