La loi du 7 messidor an II nous dit dans son article 1er "Les archives établies auprès de la représentation nationale sont un dépôt central pour toute la République". Remarquez le R majuscule à "République", il nous indique que le mot désigne non pas le territoire mais la nation. Les archives sont donc "pour toute la Nation", c'est la définition qu'il s'agit d'un bien commun du peuple français. La même loi décrit le système décentralisé d'accès qui permet la consultation libre dans le département relatif à ces documents...

Prenons une analogie pour continuer. Au Portugal existe depuis le XVIe siècle un système d'irrigations appelé "levada" Ce système de canaux permet de faire descendre l'eau de la montagne vers les cultures. Il est entretenu par les villageois chaque année et chacun peut utiliser l'eau à son tour pour irriguer. Un bel exemple d'exploitation d'un bien commun. Ces dernières années, après de multiples incendies, plutôt que de réparer les levadas, les habitants ont commencé à tirer des tuyaux pour descendre des sources vers leurs champs. Si pour les utilisateurs en place ça ne change pas grand chose, ça se corse pour les nouveaux arrivants qui n'ont pas de tuyau desservant leur terrain et ne peuvent en installer sans de nombreuses démarches auprès des propriétaires voisins. Ces derniers ne sont évidement pas enclins à laisser passer un tuyau : facile de labourer là où passait de l'eau, impossible là où passe un tuyau. On est passé d'un bien commun à un droit d'usage privé distribué.

Il n'est pas difficile d'imaginer la suite en prenant le parallèle sur un droit d'usage privé distribué français, le privilège de bouilleur de cru. Cette exemption de taxe sur les 1000 premiers litres a été limitée aux vivants en 1960 et n'est plus transmissible par héritage, elle s'éteindra donc au décés des derniers détenteurs. Autrement dit d'un droit d'usage privé distribué on est passé à un droit d'usage nominatif qui s'éteint petit à petit ouvrant la porte de plus en plus largement aux distilleries professionnelles qui elles ont une réglementation différente.

Revenons à notre sujet. On voir qu'il est naturel lorsque la notion de bien commun n'est pas défendue que le droit d'usage s'estompe (a chaque fois rien ne change pour les utilisateurs en place lorsqu'on passe du bien commun au droit d'usage privé distribué ou du droit d'usage privé distribué au droit d'usage nominatif). Par contre tout change pour les nouveaux arrivants qui eux sont spoliés de ce droit d'usage au profit des entreprises.

On voit que la politique actuelle des archives est de considérer que le département (et non plus la Nation c'est à dire le citoyen) est propriétaire des archives, droit qui est décliné sous forme de licence sur les images et/ou leur exploitation. On est en train de laisser partir la notion de bien commun et de scier la branche sur laquelle sont assis nos descendants... Alors réveillons nous et défendons nos biens communs !